Le temps passait plutôt lentement à Spring Harrow depuis un temps. Il était vrai que le Candle Inn était un hôtel très éloigné du centre du village, mais tout de même, ils n’avaient reçus aucune visite depuis plus d’un mois. Noah avait envie de tuer un peu ou à la limite, de s’amuser avec la peur des gens. On ne pouvait pas dire qu’il était mauvais intérieurement, mais il vivait depuis plusieurs décennies avec ce style de vie, c’était inévitable qu’il continue ainsi et ne pense pas à autre chose. Il espérait qu’en agissant ainsi, il puisse un jour vivre normalement, tel un mort dans le Skyline. Souvent, le brun avait rencontré des morts et on lui avait parlé de cet autre monde. C’était presque impossible de le retrouver. Enfin, Noah attendait et continuait sa vie dans cette petite auberge.

Aujourd’hui, après la tombée du soleil, une venue vint perturbée les habitants du Candle Inn. Il ne s’agissait pas d’un mort, ni d’un vivant, mais bien d’un autre âme qui vagabondait entre les deux mondes. Sans qu’il ne s’y attende, Noah décida de faire ce qu’il faisait le mieux, faire l’hôte. L’homme attendait qu’il entre dans l’édifice pour apparaître derrière le comptoir. Bien sur, même s’il aurait choisis d’être invisible, cet inconnu l’aurait vu, sachant qu’il était mort lui aussi. Noah le comprit aussitôt qu’il croisa son regard. « Bonjour. Quelle surprenante visite ! » Dit-il sur un ton froid et sans émotion.

Noah & Clayton

« Deux spectres dans la nuit. »

Errer, toujours errer à en perdre la raison. A tout bien y réfléchir, Clayton se croyait fou depuis déjà une bonne vingtaine d'années. Parfois, il avait du mal à se rappeler qui il était, encore plus de mal à définir ce pourquoi il était coincé là, entre deux mondes qu'il ne comprenait pas. La vie avait été quelque peu injuste avec lui, mais la mort était bien pire. Comment sortir d'ici? Chaque jour, Ambroise se posait la question. Allait-il rester ici indéfiniment? Est ce qu'un jour il pourrait parler à plus d'une âme en une année? Il n'avait pas eu l'occasion d'échanger avec beaucoup de personnes, morts ou vivants, pendant son demi siècle d'errance alors il passait presque tout son temps à se parler. Que faire d'autre? Après tout, il ne pouvait pas garder toute sa frustration pour lui. Il était mort sans en connaitre la raison, il était mort, c'est tout ce qu'il savait.
Ce jour là, Rosenfeld s'était décidé à changer d'endroit de patrouille. Il était fatigué de voir les passants dans la rue principale de Spring Harrow. Pas une âme n'était aimable et patiente à cet endroit. Nouveau lieu de paix: le Candle Inn. Bizarrement, il n'y était passé qu'une ou deux fois pendant son périple et rien n'avait retenu son attention à cette époque. Il était temps de changer cela. En arrivant au lieu dit, il y découvrit un décor lugubre. Pas une âme qui vive, enfin c'est ce qu'il avait cru mais en pénétrant dans le hall, il vit un homme derrière le comptoir. Il le vit également. Une âme morte, il en croisait peu ces temps ci alors il lui sourit distinctement. L'homme lui répondit par une réplique d'une voix morne et clairement vide. Clayton remballa donc sa gentillesse pour venir s'accouder sur le meuble en acajou.

Ouah. Mort ou vagabond? A en juger par votre réaction, je dirai que vous êtes comme moi... Bloqué...

Clayton avait souvent du mal à faire des phrases complètes. Cette fois-ci, il avait tenté de se faire comprendre, peut être avait-il réellement besoin de parler à quelqu'un... La solitude pouvait tuer les plus belles âmes.

© Chieuze

En voyant ce passager entrer dans l’Auberge, Noah n’aurait pas imaginé qu’il s’agissait d’un errant également. Mise à part ceux du Candle Inn, le brunet ne connaissait pas beaucoup d’entre eux, alors lorsqu’il avait l’occasion d’en croiser, c’était plus un support qu’un plaisir de les voir. Sa première réaction fut sans réel intérêt, il avait même été plutôt froid, mais en entendant l’homme parler, un petit sourire accompagna son visage. Sachant pertinemment que cet homme n’était pas de passage pour un convent, il finit par prendre place sur le tabouret derrière le comptoir. « Bloqué, c’est un descriptif très intéressant ! Et je ne vous contredirais pas, je suis pris en ces lieux depuis un long moment, comme la plupart des habitants de l’Auberge également. » Dit-il. Soudainement, un homme apparut derrière Clayton et Noah lui fit un sourire, puis un autre et ce fut un bonheur. Une femme sortit de nulle part et prit les escaliers. Oui, les morts se baladaient dans cette auberge et tout le monde se connaissait surtout. Noah baissa les yeux à nouveau pour observer le visiteur. « Vous êtes dans le secteur pour une raison particulière ? » Il souhaitait en être certain avant de continuer la conversation. Noah afficha un air plutôt déconcerté et passa une main sur le comptoir, faisant le tri d'un paquet de feuille qui trainait par là.

Noah & Clayton

« Deux spectres dans la nuit. »

Ambroise était une âme perdue, perdue au milieu d'un monde de vivants depuis quarante longues années. Peu à peu, l'espoir de disparaître de cette Terre avait disparu. Désormais, Clayton s'était mis en tête qu'il était destiné à cette vie de reclus où la folie venait l'attraper quasi quotidiennement. Il n'aurait jamais rêvé mieux que ce qu'il venait de découvrir. Une auberge entière d'âmes aussi délaissées que la sienne. Comment était-ce possible? Comment avait-il pu passer à côté de cette opportunité hors du commun? Il fallait avouer que l'unique fois où il était entré dans l'établissement était un bien mauvais jour où Clayton n'arrivait même plus à savoir son nom de famille. Sans s'en rendre compte, l'ancien journaliste afficha un sourire radieux en voyant passer les âmes non loin de lui sans lui accorder un regard.
Il reporta bien vite le sien sur l'homme derrière le comptoir. Son comportement était plus qu'intrigant. A aucun moment, il n'avait montré une émotion, même Ambroise, après quarante ans, continuait de s'exaspérer, de regretter et de se haïr pour toutes ses mauvaises actions. Une différence majeure était donc de mise entre les deux individus et pourtant Ambroise rêvait d'en savoir plus, sa qualité de journaliste prenant le pas sur une quelconque prudence.

Vous m'impressionnez. Cela fait presque quarante ans que j'erre dans les parages et jamais je ne me suis rendu compte de ce qui se tramait dans cette modeste auberge. Comment avez vous atterri ici?

Clayton appuya sa requête d'un large sourire, pendant ses années d'activités, ce simple geste avait constitué une arme, peu importe qui était en face de lui. Sa qualité de journaliste était toujours passé par ce charisme naturel et cette aisance avec autrui.
L'homme continua son discours en lui demandant ce qu'il faisait ici. Si seulement Ambroise avait la réponse. Il n'avait aucune idée de ce qui l'avait amené à cette miteuse auberge, il n'y venait jamais habituellement et pourtant, aujourd'hui, c'est comme si elle l'avait appelé. Alors, Clayton regarda l'inconnu avec ses yeux perçants.

Si seulement je le savais... Je erre et je me perds en espérant que la Faucheuse vienne me chercher mais cela n'arrive jamais comme vous le savez...

© Chieuze

Les mains de Noah se baladèrent toujours sur le comptoir, mais ça ne l’empêchait pas d’écouter ce que l’homme avait à lui dire. La vie dans cette auberge était plutôt lourde, il n’arrivait pas à comprendre pourquoi les esprits de celle-ci s’amusaient à faire cela réellement. Quant à lui, il continuait cela parce qu’il ne connaissait rien d’autre. Il était pris ici et amenait de pauvres innocents dans cet enfer. C’était sans doute quelque chose de très égoïste de sa part, mais bon, il vivait comme il le pouvait. VanderHahn tourna les yeux vers l’inconnu et lui fit un léger sourire. « Ouais, cet auberge est disons, bien profonde dans la forêt et les passants n’y sont pas régulier, mais ça n’empêche pas que ça fait un long moment qu’on y torture et tue les gens.. » Un silence accompagna la fin de sa phrase. Il leva les épaules d’un coup au même moment que ses sourcils et retourna dans ses papiers. Il ne faisait pas cela pour tenir la comptabilité, évidemment vu que les employés de cet auberge était pris au piège, mais bien par pur divertissement. « Je suis atterri dans le coin en 1982. J’étais bucheron pas très loin et j’avais besoin d’une nuit de sommeil et .. Malheureusement on est venu perturber ma nuit ! » Son regard changea, pour démontrer l’enfer qu’il avait vécu, mais en laissant tout de même une dose de curiosité dans son regard. Il continua une fois de plus dans ses papiers et sans relevé la tête, il reprit. « La faucheuse, c’est tel le père noël, ça fait longtemps que je n’y crois plus…. »

Noah & Clayton

« Deux spectres dans la nuit. »

Cet homme lui inspirait bon nombre de sentiments paradoxaux: qui était-il en réalité? Un danger, un probable allié? Une chose était certaine, toutes les âmes vagabondes connaissaient leur période de doute et de haine envers les vivants. Il semblait clairement baigné dans celle ci depuis déjà vingt ans. Les années passaient bien vite lorsqu'on était coincé dans un monde qu'on ne chérissait plus, invisible des autres, les situations évoluaient mais eux restaient coincés à leur date de mort inéluctablement. Cette haine implacable, Clayton put la lire dans le regard de son interlocuteur, pas plus loin que la semaine dernière, le parisien l'avait affiché envers une âme douce et aimante. La vengeance, la douleur entraînait bon nombre de mauvais choix.
Alors comme cela, de nombreux vivants perdaient la vie dans cette misérable bâtisse? Rosenfeld n'en revenait pas d'être passé à côté de tout cela pendant plus de vingt ans. Peut être se sentirait-il moins seul désormais, s'il arrivait à percer la carapace du chef de la maison.

Torture? J'ai eu mes mauvaises périodes mais je ne vais jamais jusqu'à ce genre d'extrémisme... Je suppose que vous avez une bonne raison d'agir ainsi...

La réponse ne tarda pas. Il devait être mort d'une bien étrange manière, tout comme Ambroise d'ailleurs. La torture enchaînait les âmes, les transformait en machine à tuer et les regrets n'avaient plus leur place dans leur nouveau monde. Clayton afficha un regard désespéré avec les sourcils froncées pour relever le discours de son ami.

Une mort terrible vous aussi? Vous savez qui... vous a tué? Et comment?

Clayton était quelque peu obsédé par cette finalité, lui même ayant des problèmes à se remémorer des moments importants de la fin de sa vie. Dans tous les cas, il n'avait aucune idée précise de son meurtrier et cela le rongeait plus que tout le reste.
Ambroise sourit à la suite des propos de Noah, effectivement, la Faucheuse les avait abandonnés sur le bord de la route et plus les années passaient, plus les vagabonds laissaient de côté l'idée même de la rédemption apportée par ce grand manitou. La mort au tournant? Peut être pas, non.

Vous avez certainement raison mais même après quarante ans, je me prends encore à espérer vous savez... C'est trop long ici!

© Chieuze

Depuis qu’il était mort, Noah n’avait pas eu la chance de discuter avec beaucoup de Whisperer, autre que les habitants de cette auberge. Il se trouvait à avoir un tas de points en commun avec cet inconnu et cela faisait un grand bien au spectre de parler un peu de tout ça. Selon ce qu’il voyait, cet homme n’avait jamais touché le sol du Candle Inn et cela l’étonnait beaucoup. Il passa une main dans ses cheveux et s’étira d’un coup avant de lui répondre. « En fait, je ne suis pas le seul, c’est la politique de la maison, j’agis ainsi parce que c’est tout ce que je connais.. c’est une manière de passer le temps disons-le comme ça. » Oui, le propriétaire de l’auberge était un homme froid et sans scrupule qui adorait torturer ses passants, alors Noah se sentait d’une manière obligée de faire vivre tout ça aux différents passants de l’auberge. Le brun fit un léger sourire, un peu maladroit face à tout ça. « La personne qui m’a tué.. Plutôt les, sont maintenant mes collègues de travail, alors oui… comme j’ai dit, c’est la politique de la maison, alors on fait avec ! Et vous, comment vous êtes-vous retrouvé dans cette situation ? » Bien que cet homme gardait espoir, ce n’était plus du tout le cas pour VanderHahn. Il était terriblement perturbé par cette vie longue et difficile et ne pourrait sans aucun doute jamais pardonner à ses assaillants malgré tout. Noah serra les dents et lança. « Vous voulez une chambre ? Vous êtes mort, c’est gratuit.. ! »

Noah & Clayton

« Deux spectres dans la nuit. »

Etrange journée, étrange rencontre. Cette auberge lui faisait un peu froid dans le dos il fallait l'avouer. Il reconnut en cet endroit une sensation qu'il avait haï par le passé. Un flash, instant furtif, qui lui donna un indice. Un hall, un hangar. Oui, il se souvenait, il était mort atrocement lui aussi. Pourtant, il n'était pas resté hanté cet endroit désaffecté comme l'homme en face de lui semblait s'amuser dans le lien de sa mort. Un certain masochisme était ancré en eux, les Whisperer, ils finissaient toujours par revenir à ce fameux endroit où leur flux vital s'était envolé dans les airs, les enfermant dans les limbes, à jamais. Passer le temps, notion absurde désormais, il n'avait plus que cela à faire, attendre, à moins de se trouver un but pour pouvoir passer la frontière, enfin. Clayton regarda l'aubergiste avec un sourire élargi.

C'est une occupation comme une autre après tout. Je me suis également amusé à effrayer quelques vivants pendant mes heures d'errance. Mais il faut avouer que la politique de votre maison est bien macabre...

Et dire que Noah avait été tué par les propriétaires de cette bicoque, Clay n'était pas sûr de vouloir rester dans le coin. Réaction pour le moins bizarre avant qu'il ne réalise que de toute manière, il était déjà mort. C'était souvent comme cela avec lui, des oublis à n'en plus finir de qui il était, pourquoi il avait atterri ici et surtout il ne possédait plus aucune notion du temps. Combien d'années lui faudrait-il pour réellement tout oublier, jusqu'à son nom? Ambroise cacha son moment d'égarement par un sourire à tomber avant de faire un tour d'horizon des gens qui zonaient dans le hall. Il entrevoyait une haine sans fin, Ambroise s'estimait heureux de ne pas en être arrivé jusque là.

Je ne sais pas ce que je fais là la plupart du temps. Néanmoins, vous êtes chanceux, aujourd'hui, je me rappelle très bien avoir subi neuf jours de tortures, quant à la raison, j'en ai aucune idée...

Un léger froncement de sourcils avant de laisser son regard divaguer à la ronde une nouvelle fois. Le temps avait érodé sa capacité de concentration et pourtant, il possédait toujours cette intelligence hors du commun qui lui permettait de relier les éléments entre eux. La quête de la vérité, le refus de l'absurde, tout cela était bien là, en lui.
La proposition de l'homme fit sourire Clayton qui croisa les bras avec un air gentleman, bien dans le style des années 60.

Je préférerais m'en passer. J'aurai peur qu'on vienne m'agresser. Visiter me convient très bien pour le moment.

© Chieuze

Aidan Noah VanderHahn n’avait pas eu la chance de discuter avec beaucoup de morts depuis qu’il l’était. Enfin, depuis le tremblement de terre de 2007, cela était une évidence plus qu’une autre chose, les morts se pointaient en ville beaucoup plus qu’avant, ce qui rendait la vie un peu moins pénible pour l’aubergiste. Le spectre tentait de reprendre une certaine vie sociale, mais ce n’était pas gagné, il n’avait jamais été très bavard à la base, préférant recevoir un communicateur que l’être. Il ne repoussait pas les gens par naturelle. Lorsqu’on lui parlait, il faisait de même malgré sa manie de répondre parfois sèchement ou bien sarcastiquement, il profitait du moment et comme avec Clayton, il espérait pouvoir conserver un contact avec lui. C’était un homme dans la même tranche que lui et des amis, Aidan n’en avait que très peu. Il ne pourrait dire si c’était un visiteur passager ou non, mais il allait lui poser la question. « Est-ce que vous vous installez dans le coin ou vous n’êtes que de passage ? » L’homme laissa paraitre un léger sourire, se sentant un peu mal à l’aise face à tout ça. Il écoutait l’homme lui parler un peu de son périple de la mort et de ce qu’il pensait des manœuvres du Candle Inn. « Neuf jours ! C’est … impensable, je n’ai été torturé qu’une soirée et puis j’ai attends ce statut de faux-mort, alors je n’imagine pas pour vous, ça dut être l’enfer ! Vous avez pensé à rendre l’appareil à votre assaillant ? » Demanda-t-il. Noah ajouta. « Et ici, c’est la politique de la maison, alors je ne peux rien y faire, je suis pris ici, alors je continue la donne. C’est mal, mais je dois continuer ! Je ne suis certainement pas le plus vieux de l’Auberge et puis, même si vous dormez ici, personne ne vous embêtera ! Les morts sont bien accueillis ici ! »

Noah & Clayton

« Deux spectres dans la nuit. »

Quarante années de galère à voir les mêmes paysages, les mêmes manières de penser avec toujours ce maudit espoir que Clayton verrait la Faucheuse se manifester sous ses yeux. Mais cela n'arrivait jamais et pourtant, il ne pouvait se faire une raison, bien trop attaché à la tradition. Pour le moment, le mort appréciait la compagnie d'une autre âme errante, un certain Noah qui semblait peu s'encombrer des traditions, bien plus préoccupé par les tortures à perpétrer dans cet auberge. Toutefois, l'homme lui demanda s'il comptait rester dans le coin encore quelques temps. Ce qu'il ne savait pas, c'était bien que Rosenfeld était à Spring Harrow depuis plus de trente ans, cherchant éperdument dans ses pensées ce qui avait bien pu se passer, revivant sa mort et les moments de sa vie les plus douloureux. Jamais le bonheur ne venait le hanter, jamais son sourire n'était franc ou le reflet d'une émotion pure.

Je pense que je ne suis pas prêt de quitter Spring Harrow, cela fait des décennies que j'y traîne, je risquerai de passer ici plus souvent pour avoir un peu de compagnie.

Puis, la conversation dériva sur la fin de leur vie. Ces quelques jours de souffrance ultime où Clay avait été réduit à ne plus être un homme, plutôt un simple esclave qui attendait sa sentence. Elle ne vint pas rapidement, neuf maudits jours, neuf jours où il avait subi les pires supplices qu'un homme pouvait connaitre et il n'en connaissait toujours pas la raison, s'il y en avait une évidemment...

Malheureusement, je n'ai jamais su qui en était l'auteur... Si seulement, je pouvais me libérer de cela... mais je pense que c'est impossible désormais, le temps a passé et il y a peu de chances pour que ces hommes soient encore sur cette Terre...

Puis, Noah lui expliqua que l'auberge avait toujours fonctionné de cette manière, une vulgaire chaîne alimentaire qui voyait bon nombre d'humains perpétrer une tradition complètement obsolète au nom de la vengeance. Idée qui paraissait absurde pour Ambroise il y a quelques années mais prenait son sens de plus en plus chaque jour qui passait. Il sourit à nouveau, d'une manière froide mais significative.

C'est la première fois que je rencontre ce genre de pratiques mais soyez en sûrs, je ne dirai mot. Vous m'avez tous l'air sympathiques, bien plus que ces vivants qui n'accordent aucun regard à leur semblable...

© Chieuze

La révélation de l’homme surprit beaucoup Noah. Clayton vivait en ces lieux depuis des décénies, comme lui d’ailleurs et jamais jusqu’à présent il ne l’avait croisé dans ce village qui était pourtant très petit et rejeté du monde, particulièrement depuis le tremblement de terre de 2007 qui avait détruit une partie du décor. Enfin, le spectre fit un visage étonné face à son nouvel ami, la bouche en rond et les sourcils bien redressés sur son front. « Wow, des décennies, tout comme moi et nous nous sommes jamais croisés, c’est … spécial ! Il est vrai que j’ai toujours préféré resté seul qu’accompagner par la population humaine, mais depuis un temps, j’essaie de sortir et prendre l’air un peu plus. Une chose est certaine, depuis que je suis mort, l’air frais me manque ! » Avoua-t-il tout en continuant tranquillement la conversation. Il sourit et ajouta. « C’est assez spécial, en tout cas, j’ai entendu dire qu’on pouvait retrouver le Skyline un jour, si on trouvait le pourquoi nous étions coincés ou quelque chose du genre, mais j’ai jamais vraiment compris le sens de cette deuxième dimension, pourquoi nous sommes là. » Noah se leva aussitôt et se dirigea vers une petite distributrice remplie de boisson gazeuse. « Je te sers un trucs ? » Lui balança-t-il en prenant une canette de pepsi. L’homme écoutait son invité continuer à parler, il semblait plutôt surpris par cette auberge, mais bon, pourquoi faisaient-ils cela ? Même Noah ne le savait pas. « C’est sympa mec et puis, c’est pas moi l’inventeur de cette mise en scène.. je continue comme le fait tout le monde sans poser de question et tu as raison, les humains sont souvent excessifs ! »

Noah & Clayton

« Deux spectres dans la nuit. »

Clay était tout aussi surpris que son camarade de constater que cela faisait bon nombre d'années qu'ils arpentaient cette charmante ville de Spring Harrow, entre les deux mondes, alors qu'ils ne s'étaient jamais croisés. Le destin avait certainement préféré attendre ce jour pour réunir deux âmes perdues comme les leurs. Rosenfeld lui sourit un peu tout en riant un peu à la remarque de Noah. Le monde était bizarre et un peu mal fait, il fallait l'avouer. Puis, un léger vent de nostalgie souffla dans l'esprit de Clayton. L'air frais. Sentir l'air sur son visage, toutes ces choses, il ne pouvait plus les sentir comme avant et cela lui manquait atrocement. Il regarda Noah avec une pointe de mélancolie.

Comme vous dites, tout cela est bien étrange. On aurait certainement pu avoir l'occasion de se rencontrer en près de vingt ans tout de même. Ah, moi aussi, qu'est ce que je regrette ma vie de vivants, vous savez quand on ressentait les choses réellement, aujourd'hui, tout cela n'est qu'illusion dans mon cas.

La suite de la conversation dériva sur la possibilité de rejoindre le Skyline. Clayton avait entendu quelques rumeurs à ce sujet mais rien de concret. Il ne savait toujours pas comment appréhender le problème; que devait-il chercher? Ses meurtriers? Le pardon? Le prénom de son misérable père? Tout cela n'avait aucun sens et à la fin de la journée, Ambroise n'était jamais plus avancé. Il était heureux pourtant de constater qu'il n'était plus seul dans ce cas.

Si seulement je connaissais la réponse... J'ai cherché pendant longtemps la réponse mais il me semble qu'il y a trop de possibilités. Je commence à me faire donc à l'idée d'être coincé ici pendant encore un bon millénaire...

Son visage s'assombrit quelque peu mais il tenta de garder le contrôle. puis, Noah lui proposa un verre, il accepta d'un hochement de tête et lui indiqua de lui servir la première boisson qu'il lui tombait sous la main. La déprime ne semblait pas loin et Ambroise détestait broyer du noir, surtout alors qu'il venait de rencontre quelqu'un comme lui. Vanderhahn lui indiqua ensuite que c'était tout bonnement une tradition que de continuer à tuer dans cette auberge et Ambroise n'en demanda pas plus. Que pouvait-il dire sur la question? Au final, ils étaient semblables. Parfois, Clayton s'amusait à effrayer la galerie juste parce qu'il était en colère. Il se doutait que d'ici peu, il passerait le cap du meurtre, anéanti par la frustration...

Je pense qu'on est tous destinés à tuer. Nous sommes des âmes bien trop blessées je pense... Enfin, tant que personne ne vient vous déranger dans votre entreprise, tout va bien.

© Chieuze