|| November 1979, Brooklyn, USA
Les premiers cris de Bucky résonnèrent dans l’immense building de la famille Howard, sa mère entourée par des médecins tous plus experts les uns que les autres. Car oui, quand on s’appelle Betty Howard on n’accouche pas dans un hôpital rempli de stress. Non, on accouche dans une salle médicalisée de sa propre tour sans son mari qui préfère être devant les caméras à annoncer que l’héritier de l’entreprise Howard est en train de naître. Un petit garçon tout rose, tout moche et tout fripé, mais déjà promu à une longue carrière dans l’ingénierie et dans la création de produits révolutionnaires pour l’avenir de l’humanité. Betty vient d’être maman et pourtant elle pleure. Des larmes de joie un peu, parce que ça rend toujours une femme heureuse pendant quelques minutes au moins. Des larmes de douleur aussi, parce que tout n’a pas glissé comme sur des roulettes. Mais des larmes de peine en plus, dont seul son médecin personnel connait les raisons. Peu importait de toute façon, William Howard serait bientôt de retour de sa conférence pour voir sa progéniture et sa femme.
Le problème de grandir dans ce genre de familles baignant dans l’argent parce qu’à la tête d’une énorme production, c’est que le gamin ne voit presque jamais ses parents. Voyages d’affaire, travail ardu dans le bureau, galas de courtoisie, invités de marque qu’il ne faut pas déranger, tout autant de chose qui brisèrent rapidement le lien entre Bucky et ses géniteurs. Heureusement pour lui il y avait Philip, le major d’homme de la famille connaissant tous les secrets de monsieur et de madame mais respectant la confiance qui lui était accordée. Il aurait eu milles occasions de faire couler la famille Howard et de récupérer leur entreprise et leur fortune, mais c’était un homme bon qui aimait beaucoup le couple de qui il prenait le plus grand soin. Quand Bucky fut mis au monde, il était dans un coin de la salle médicalisée et il sut immédiatement qu’il s’attacherait très vite à cet enfant. Philip était le genre d’homme sympathique avec pourtant un moral d’acier et qui vous donne des leçons de vie et des reproches sur un ton aimable et souriant. Jamais malpoli ou grossier, son air simple et identique tous les jours avec son petit sourire lui donnaient tout de même une force morale qui aurait tendance à coller des frissons à son entourage lorsqu’ils ne sont pas sages. Il agit comme une véritable mère poule et pour cette raison la famille Howard a confiance en lui. Ce pourquoi c’est lui qui s’occupa de l’enfant en majeure partie, les parents étant seulement là pour prendre les grandes décisions (et encore, ils étaient épaulés par Philip étant toujours de bons conseils). Bucky prit donc pour référence paternelle cet homme un peu mystérieux mais toujours très juste avec lui.
Oh il n’était pas un petit garçon facile à vivre. Futé comme un renard, il trouvait toujours milles façon de parvenir à ses fins et les bêtises allaient de bon train. Combien de fois Philip dût lui courir après dans toute la tour pour le réprimander ? Et le pire c’est que le jeune Bucky prenait ça comme un jeu et lui riait au nez… jusqu’à recevoir sa fessée quand il dépassait les bornes. Pas une frappe douloureuse, juste le geste symbolique qui fait pleurer l’enfant parce qu’il est humilié. C’est là que Bucky courrait dans les pattes de sa mère ;
« Mamaan ! Mamaaan ! Phil il veut pas que je cours sur le toit parce qu’il dit que c’est dangereux alors il m’a fâchééé !
-Plus tard Bucky, répondait Betty tenant d’une main son téléphone portable et de l’autre se préparant pour le gala de charité du soir. »
Alors le garnement courrait jusqu’au bureau de son père en pleurant de nouveau.
« Papa ! Papa ! Papaaa !
-Dehors Bucky, j’ai du travail alors ne viens pas me déranger maintenant. »
D’un geste de la main un peu furieux il se faisait éjecter de la pièce et réalisa très vite que ses parents ne lui portaient pas vraiment d’intérêt. Toujours en larmes mais cette fois ci parce qu’il avait de la peine, il marchait tête basse jusqu’à Philip qui oubliait très vite sa colère pour le prendre dans ses bras et le consoler. Le major d’homme de ses parents devint bientôt la seule famille à ses yeux et parfois même il s’amusait à l’appeler « papa » devant ses parents biologiques juste pour les faire réagir un peu. En vain, puisqu’ils ne l’écoutaient pas.
|| July 1983, Brooklyn, USA
C’est à l’âge de quatre ans que Philip lui offrit le premier objet de ce qui deviendrait rapidement la passion du jeune hériter Howard ; un comics Marvel intitulé « Captain America » datant de son année de parution originale. Bucky tomba sous le charme de ce héros de bande dessinée et en fit son modèle par excellence. Il attendait chaque nouveau magasine avec impatience et lorsque ça ne suffisait plus il en vint à acheter tout ce qui tournait autour de ce personnage. Les trading cards, les figurines, les peluches, les bols, tout en partant du plus petit objet jusqu’à la reproduction de la moto de son héros qu’il ne pourrait conduire qu’à sa majorité. Philip était heureux d’avoir fait naître une passion à ce petit bonhomme de maintenant six ans qui allait devoir commencer l’école à la maison. Hors de question de faire comme tout le monde et de l’emmener à l’école publique ; il aurait l’éduction en cours particuliers jusqu’à ce qu’il soit en âge d’aller au lycée. Les débuts furent difficiles mais sa soif d’en apprendre toujours plus prit rapidement le dessus et il se calma. Mais parmi tous ses éducateurs celui qu’il préférait était son professeur de vie, son mentor ; Philip, qu’il admirait beaucoup même si il lui tirait la langue quand il se faisait gronder.
|| September 1996, Brooklyn, USA
Les années passèrent à une vitesse folle, et étant surdoué Bucky rentra à l’université d’Harvard à l’âge de 17 ans. La veille de son départ pour une longue période, il apprit que son père était malade même si il était censé ne pas le savoir.
« Monsieur, puis-je vous parler ?
-Tiens Phil, tu tombes bien je voulais savoir si pour la rentrée je mets la cravate rouge ou la bleu ? Parce que je dois être au top tu vois, je peux pas me permettre de rater mon entrée, expliqua-t-il en alternant les deux cravates devant sa chemise.
-La rouge Monsieur, est celle qui vous ira le mieux. Mais je dois vraiment vous parler c’est important.
-Oh Phil bon sang arrête de me vouvoyer ! Depuis le temps qu’on se connait tu pourrais faire un effort et m’appeler par mon prénom aussi, railla-t-il.
-Bucky, commença-t-il très mal à l’aise, je dois vous… te parler.
-Eh bien voilà ! C’est pas si compliqué ! C’est à quel sujet ?
-Je ne devrais pas évoquer ce sujet car Monsieur et Madame Howard ont ma confiance mais j’ai jugé injuste que vo… tu ne le saches pas.
-Pas de problème, je tiendrais ma langue.
-C’est un sujet délicat, je n’aimerais pas vous troubler la veille de votre départ…
-Phil, tutoiement, ordonna Bucky en fronçant les sourcils de façon faussement menaçante. Allez raconte, ça ne doit pas être si terrible !
-Votre père est malade, il se pourrait qu’il n’y ait pas de traitement. »
Bucky resta silencieux à cette déclaration et continua de mettre ses affaires dans sa valise. Philip n’avait toujours pas bougé et ne savait comment réagir face à ce silence même si il savait très bien ce que ça signifiait.
« Pour la première soirée étudiante, je mets la chemise blanche achetée hier genre décontracté ou j’me la joue gentlemen avec un costar neuf ?
-Comme vous le sentez Monsieur… Bucky… Pardonnez-moi mais je n’y arrive vraiment pas, s’excusa son pratiquement père adoptif.
-Allez ça ira, c’est pas grave. Autre chose Phil ?
-Non Monsieur. »
Bucky sourit de façon un peu moqueuse pour son major d’homme qu’il adorait vraiment mettre mal à l’aise. Il ferma son dernier sac et vit l’homme se retourner avant de sortir de la chambre.
« Peu importe ce qui arrivera, je serais là à votre retour, Bucky. »
Voyant l’effort considérable fournit par ce très cher Phil pour l’appeler par son prénom, il décida de se montrer sympathique à son tour.
« Ne t’en fais pas, je te donnerais des nouvelles par téléphone pour m’assurer que tu ne t’es pas enfui en mon absence à cause des caprices de ma chère mère ! »
Après un sourire entendu, les deux hommes se séparèrent et Bucky se mit rapidement au lit pour être en forme pour son avion décollant très tôt le lendemain matin direction Harvard.
|| September 1996, Massachusetts, USA
Costar imprimé tartan, chemise blanche nickelle, cravate rouge assortie et talons qui claquent dans le couloir principal du bâtiment de science en ingénierie d’Harvard. Bucky abaissa sur son nez ses lunettes de soleil rondes aux épais verres carmins lorsqu’il arriva devant la secrétaire aux airs de chien de garde de l’accueil de sa section afin d’effectuer sa validation d’inscription.
« Votre nom ?
-Howard. Bucky Howard. Vous savez, le fils des célèbres propriétaires de l’entreprise Ho…
-Oui, oui, c’est bien, le coupa-t-elle avant de pianoter sur son ordinateur afin de vérifier.
-Hum… Excusez-moi mais je n’avais pas fini de vous expliquer que…
-C’est bon, vous pouvez y aller, voilà votre carte pour la cafétéria. »
Elle lui tendit ladite carte et il s’en saisit avec nonchalance, vexé d’avoir été renvoyé de la sorte, et il ne put s’empêcher d’ailleurs de lui jeter une pique désagréable lorsqu’il s’éloigna de sa démarche désinvolte.
« Je suppose qu’avec un job comme le vôtre on ne peut qu’être populaire et aimable. »
Il partit avec un geste de la main par-dessus l’épaule et le grognement indigné qui suivit ainsi que les rires des autres élèves présents lui tirèrent un sourire satisfait. Se faire repérer dès le premier jour était une chose tout à fait habituelle pour lui, après tout au lycée il avait été l’un des plus populaires. Ses études à la fac furent les meilleures années de sa vie et il parvenait à s’amuser tout en gardant des résultats excellents. A vrai dire il combinait souvent les deux. Quelle meilleure excuse qu’un exposé à rédiger avec un ou une élève de sa section pour ensuite finir nus sur le matelas lorsque le travail est fait ? Quoi de mieux qu’une cuite mémorable la veille d’un examen pour décompresser et y aller l’esprit léger le lendemain ? Il n’y avait pas à dire, Bucky vivait les meilleurs moments de sa vie. Il se fit un grand nombre d’amis, ou plutôt de connaissances car il ne noua de liens avec personne et passait même des soirées avec de parfaits inconnus.
|| June 1999, Brooklyn, USA
Néanmoins il fallait que quelque chose vienne noircir le tableau. Un soir de juin alors qu’il avait vingt ans, trois ans après son entrée à l’université, Philip lui annonça le décès de son père suite à son cancer dont il lui avait parlé la veille de son départ pour Harvard. Le lendemain de cette déclaration funeste, Bucky prit l’avion pour Brooklyn sa ville natale afin d’assister à l’enterrement de son père. Il ne versa pas une larme, prononça un discours solennel écrit par Philip qui le poussa à le faire rien que pour sa mère incapable de parler, jeta une fleur sur sa tombe et conduisit les invités à l’immense réception organisée. Parce que même pour un enterrement, un Howard fait toujours les choses en grand. Et Bucky, dans son costume de qualité se démarquant largement des autres, ne se gêna pas pour ramener quelqu’un dans son lit, ou peut-être même plusieurs personnes mais la dose d’alcool qu’il avait dans le sang lui fit oublier ce détail. Il resta une semaine à Brooklyn pour régler des papiers mais ne s'attarda pas plus longtemps car « lassé de supporter les pleurnicheries de Betty » comme il l’annonça à Philip avant de repartir. Le décès de son père extrêmement doué en affaires lui donna envie d’apprendre plusieurs langues afin de prendre sa suite d’une façon inégalable. Il s’inscrit donc dans la section linguistique d’Harvard tout en continuant les études qu’il faisait à l’origine. Il choisit le français, l’italien, le chinois, le russe et le japonais et obtint rapidement des bases plus qu’acceptables dans chaque langue.
Un an plus tard, juste après l’obtention de son diplôme d’ingénieur en technologies de pointe, il apprit par Philip le suicide de sa mère tombée en dépression à la mort de son mari et n’ayant pu supporter le stress de gérer à elle seule l’entreprise dans son état. Il rentra donc chez lui définitivement cette fois puisque ses études s’achevaient et qu’il allait continuer les langues à domicile. L’enterrement de sa génitrice se déroula de la même façon que pour son père ; sans une larme, avec des fleurs et des discours, des gens qui viennent le réconforter alors que la vérité est qu’il ne s’est jamais attaché à ses parents. Et tout comme pour William Howard, la réception après la cérémonie se fit en grandes pompes dans une des salles privées de la tour principale de l’entreprise Howard dont Bucky était désormais le patron. Seul Philip laissa couler une petite larme pour la mort de ses deux employeurs qu’il connaissait depuis si longtemps. Il devint d’ailleurs le major d’homme attitré de Bucky qui continua de le railler en lui demandant de cesser de le vouvoyer, ce à quoi il répondait à chaque fois par « Excusez-moi Monsieur mais vraiment je ne peux pas, vous êtes mon patron et ça me met mal à l’aise ». Philip réprimanda un peu son protégé de se montrer aussi désintéressé par le décès de sa mère mais il ne put continuer son sermon très longtemps car le concerné s’échappa avec une belle jeune fille au bras.
« Je ne vous ai jamais vu avant, vous êtes de la concurrence ? Demanda Bucky tout en refermant la porte de sa chambre contre laquelle il plaqua la jeune femme essayant de le déshabiller sauvagement.
-J’étais dans la même section linguistique que vous, en français, russe et italien, répondit-elle du tac-o-tac en accrochant ses jambes à son bassin pour lui faciliter l’accès.
-Oh vraiment ? Je ne vous avez pas aperçu dans la foule des étudiants. Pourtant vous êtes remarquable et magnifique.
-Vous répétez toujours la même chose aux personnes que vous mettez dans votre lit ou c’est une phrase par défaut parmi une liste ?
-De l’improvisation mademoiselle, mais merci d’avoir remarqué mes efforts. Néanmoins je crois que vous avez percé ma couverture de parfait gentleman.
-Je n’ai pas besoin qu’on me complimente pour que j’ouvre les jambes. Je ne suis pas une fille naïve et facile, je décide simplement de m’amuser quand j’ai envie avec qui j’ai envie.
-C’est une façon de voir les choses qui me plait beaucoup. Quel est votre nom ?
-Natasha. Carter si vous comptez me chercher dans l’annuaire ce dont je doute et puis de toute façon je ne décrocherais pas. »
Il lui répondit par un sourire mesquin et la nuit continua de la façon qu’on connait tous. Seulement Bucky était troublé car il avait dépassé les limites du raisonnable. C’était la première fois qu’il allait si loin dans une relation ; il lui avait demandé son nom. Il se leva à la première heure le lendemain et s’enferma dans son laboratoire à un autre étage pour être sûr qu’il ne serait pas dérangé. Comme à chaque fois, il envoya Phil s’occuper de la jeune femme et la renvoyer chez elle. Mais son cher major d’homme revint le voir quelques minutes plus tard à peine.
« Qu’est-ce qu’il y’a Phil ? Tu sais que je n’aime pas qu’on me dérange dans mon travail, et là je travaille donc tu me déranges. Combien de fois je dois te le dire, hein ? Pas quand je travaille c’est tout.
-Monsieur, coupa sèchement Philip pour mettre fin à cette tirade, c’est au sujet de votre… partenaire de cette nuit, bien qu’honnêtement je ne sais plus si je dois appeler ça partenaire, divertissement ou encore animal de compagnie.
-C’est un reproche que tu me fais là ou je me trompe ?
-Pas du tout monsieur, s’en est bien un.
-Tu sais que je déteste les reproches, Phil, râla Bucky comme un enfant capricieux.
-Je le sais Monsieur, et moi je déteste vous en faire mais il s’avère que là c’était nécessaire. Quoi qu’il en soit la demoiselle avec qui vous avez passé la nuit n’était plus ici lorsque je suis allé la chercher pour m’occuper d’elle comme vous me l’aviez demandé.
-Comment ça plus ici ? Vous avez fouillé ? C’est étrange, c’est la première fois que ça arrive.
-Aussi étrange que cela puisse paraître, et j’ai regardé les caméras de surveillance pour en avoir la certitude, mademoiselle Carter est partie d’elle-même.
-J’ai relevé dans le ton au début de ta phrase que c’était de l’ironie. Tu te moques de moi, et tu sais que je n’aime pas ça non plus. Et d’ailleurs, comment tu connais son nom ?
-Je dois avouer que vous n’aimez pas grand-chose Monsieur, se moqua-t-il avec un petit sourire avant de lui tendre un portefeuille. Elle a laissé ça par terre, je suppose que ça a dû tomber de sa poche lorsque vous avez... enfin cette nuit quoi.
-Phil bon sang ! Tu sais que tu me mets mal à l’aise à parler de ce genre de chose là ? Dit-il sur un ton qui signifiait le contraire. Bien, laisse le dans un coin je lui renverrais par la poste.
-Bien Monsieur. »
Dès que Philip fut sorti de la pièce non sans son petit sourire habituel, Bucky attrapa le portefeuille et le fouilla sans scrupule. Il y trouva des pièces de petite monnaie, un billet de 10 dollars, une carte de bus, une autre d’identité, une autre encore pour la bibliothèque et aussi un pass en tant que serveuse au Joe’s Pub, un bar célèbre situé à Manhattan et pas si loin que ça de Brooklyn. Il décida de s’y rendre sur sa moto fétiche, réplique de celle de Captain America, et s’installa en terrasse pour fumer une de ses cigarettes occasionnelles. Lorsque Natasha arriva devant lui pour prendre sa commande, elle resta un instant sans bouger puis fronça les sourcils.
« Qu’est-ce que vous faites ici ?
-Je fume une cigarette en attendant qu’on prenne ma commande, et je ne vous retourne pas la question puisque vous travaillez ici. » Il lui offrit un sourire commercial avant de continuer. « D’ailleurs vous venez en bus et vous allez souvent à la bibliothèque au coin de cette rue.
-Que.. quoi ?! Mais vous m’espionnez ?
-Apparemment j’ai visé juste parce que vous ne contredisez pas. Et non je ne vous espionne pas, vous avez simplement oublié ça chez moi. »
Il lui tendit son portefeuille qu’elle s’empressa de vérifier avant de le regarder de façon accusatrice.
« De quel droit avez-vous fouillé dans mes affaires ?
-Allez, avouez, vous l’avez laissé exprès pour que je vous retrouve !
-Je ne suis pas de ce genre-là. Maintenant donnez-moi votre commande ou alors je vous envoie un autre serveur. J’ai du travail moi.
-Attendez, vous insinuez que je ne travaille pas ?
-Je n’insinue que ce que vous voulez entendre. Votre commande ?
-Je suppose qu’un milliardaire comme moi n’a pas de leçon à donner à une femme comme vous n’est-ce pas ? »
Voyant que son interlocutrice commençait à perdre patience, il commanda un verre de Whisky et elle s’empressa de disparaître de sa vue sitôt noté. Ce fut d’ailleurs quelqu’un d’autre qui lui apporta sa boisson comme il s’y attendait. En partant, il laissa un papier pour elle sur le comptoir avec son numéro personnel et un petit mot disant qu’il avait lui aussi son numéro mais qu’il lui laissait le choix de l’appeler ou non. Elle ne le fit d’ailleurs pas.
Une semaine plus tard sans nouvelle, il se décida à l’appeler. Elle ne décrocha volontairement qu’au bout de la dernière sonnerie et ne lui laissa pas le temps d’en placer une.
« Ça vous démange que quelqu’un vous résiste n’est-ce pas ? C’est pour ça que vous m’avez finalement appelé parce que moi je ne l’ai pas fait. »
Un silence lui répondit mais elle pouvait deviner que de l’autre côté du combiné il souriait. Elle attendit patiemment qu’il se décide.
« Vous êtes maline, Miss Carter. Que diriez-vous d'aller boire un verre au Joe’s Pub ce soir ?
-Je dirais non.
-Je comprends, j’ai été idiot de citer le bar où vous travaillez. Un autre bar alors, n’importe lequel.
-Il est déjà tard et moi je travaille demain.
-Et voilà on y revient ! Vous insinuez encore que je ne travaille pas ! S’exclama-t-il d’un ton faussement indigné.
-Je vous l’ai déjà dit, c’est vous qui entendez ce que vous voulez dans mes propos.
-Mais vous voulez que j’entende certaines choses alors…
-Je vais raccrocher, coupa-t-elle.
-D’accord, d’accord, attendez, j’arrête promis !
-Qu’est-ce que vous voulez Monsieur Howard ?
-Vous inviter à boire un verre, c’est tout.
-Si j’accepte, vous me fichez la paix ensuite ?
-Tout ce que vous voudrez !
-Venez me chercher dans une demi-heure à la bibliothèque. J’espère pour vous que vous vous souvenez de l'adresse de celle que vous avez vu sur la carte dans mon portefeuille. »
Elle raccrocha, assez fière de son coup, et se prépara rapidement pour être à l’heure devant le lieu de rendez-vous. Ce fut le premier soir d’une longue série et ils finirent par lâcher le vouvoiement et par former ce qu’on appelle plus communément un couple. La jeune britannique était une femme forte, caractérielle, mais surtout l’équilibre parfait pour remettre Bucky dans le droit chemin de temps en temps. Seulement il la quitta trois mois plus tard car il n’arrivait pas à se faire à la notion « d’engagement » dans un couple et sentait qu’il allait devenir infidèle. Une passade chaotique s’en suivit et Bucky prit très cher pour son grade avant que la demoiselle ne se calme et ne remarque que ce n’était peut-être pas plus mal ainsi et qu’ils n’étaient finalement pas fait pour être amants. En revanche, l’équilibre parfait qu’elle lui apportait durant leur relation était celui d’une amie et au fil du temps elle prit place dans sa vie comme meilleure amie (même si quand on est adulte on n’utilise pas ce genre de termes peu esthétique).
|| October 2000, Brooklyn, USA
Philip remit à Bucky une lettre que sa mère avait écrite pour lui avant de décéder. Sur l’enveloppe était inscrit le nom de « Clinton », ce qui intrigua le jeune héritier.
« Pourquoi tu me donnes ça Phil ?
-Votre mère m’a demandé de le faire.
-Oui mais je m’appelle pas Clinton moi, à moins que j’ai changé de prénom dans la nuit ?
-C’est votre deuxième prénom monsieur, même si il n’est pas sur les documents officiels qui ont pu passer entre vos mains. »
Il est vrai que son deuxième prénom n’était inscrit que sur le livret de famille. Et sérieusement, à par un enfant qui n’a rien à faire de son dimanche après-midi, qui s’amuse à lire son livret de famille en entier ? Surtout que la plus part des papiers sont faits ou photocopiés par Philip, alors pourquoi Bucky s’emmerderait à les lire alors qu’il a juste à les signer ? Il se saisit donc de la lettre et déchira l’enveloppe pour lire son contenu.
Mon cher Clinton,
Je sais que moi et ton père n’avons jamais été présents au cours de ton enfance mais saches que nous étions très fiers de toi. Il y a néanmoins quelque chose que tu dois savoir, c’est que ton deuxième prénom que tu ne connaissais peut être pas jusqu’à la lecture de cette lettre, n’a pas été choisi par hasard. Lorsque j’ai accouché de toi, j’avais des jumeaux dans le ventre. Ton frère n’a jamais vu le jour. C’est pour cette raison que ton père et moi avions décidés de te donner comme deuxième prénom celui qu’il aurait dû avoir. Ne nous en veux pas de ne pas t’en avoir parlé plus tôt, et ne m’en veux pas d’avoir été trop lâche pour te le dire en face. Et surtout, ne reproche jamais à Philip de s’être tut sur ce sujet.
Prends soin de toi mon petit Clinton.Cette lecture le laissa plus ou moins sans voix mais il reprit très vite contenance et la jeta à la poubelle comme pour signifier qu’il n’en avait rien à faire. Philip savait qu’il avait été troublé mais qu’il ne le reconnaîtrait sous aucun prétexte, et il récupéra d’ailleurs la lettre dans la poubelle afin de la conserver précieusement au cas où un jour il en aurait besoin pour ouvrir les yeux à son cher petit protégé.
|| February 2001, Paris, France
Avachis sur le lit de sa chambre d’hôtel avec sa conquête déjà endormie, il entendit le vibreur de son téléphone suivit du thème officiel de Captain America. Râlant légèrement d'être dérangé, il tendit le bras et tira sa veste jusqu’à lui pour prendre l’appareil et le consulter. Un appel en absence de Tasha. Diantre ! Elle ne lui laisserait donc jamais le temps de décrocher et d'apprécier plus longtemps cette merveilleuse sonnerie ? Il appuya sur la touche de rappel et l’enchaîna dès qu’elle eut décroché.
« Combien de fois je t’ai dit d’attendre la troisième sonnerie avant de laisser tomber l’appel ? D’ailleurs t’as de la chance que je t’ai rappelée aussi vite parce que j’aurais pu être en train de faire autre chose avec la personne à côté de moi parce que non je ne suis pas seul à l’hôtel.
-Ca m’étonne dis donc, dit-elle avec ironie et lassitude. Bon, t’as fini de râler là ? Parce que j’ai quelque chose d’important à t’annoncer.
-Vas-y je suis à toi !
-Je déteste quand ces mots sortent de ta bouche Bucky, j’ai toujours l’impression qu’ils sont à mal interpréter. Bref, quoi qu’il en soit j’ai été acceptée dans l’organisme de formation pour les agents secrets de la brigade indépendante de la CIA que je convoite depuis toutes ces années.
-Waoh ! Félicitation tu vas enfin pouvoir quitter ton petit job au bar ! Je présume que je dois surveiller mes arrières maintenant ? Et si j’organisais un petit truc à mon retour pour fêter ça ?
-Si par « petit truc » tu entends évènement national je dis non d’avance. Et puis j’ai déjà fêté ça, à ma façon du moins.
-Ho ! Hey ! Tu me caches des choses-là ? Depuis quand tu fais la fête sans moi ? Déjà que j’ai milles peine à te convaincre de venir avec moi, mais maintenant tu y vas carrément sans m’attendre ? Vraiment tu me déçois, termina-t-il sur un ton théâtral.
-C’est bon t’as fini ? Si tu m’avais laissé le temps de parler tu aurais compris que je n’ai pas sorti les bouteilles pour toute une assemblée mais que j’ai simplement trouvé une récompense un peu plus grosse que prévu. »
« Tu me trouves gros ? » s’indigna une voix inconnue à Bucky de l’autre côté du combiné à laquelle Natasha répondit en levant les yeux au ciel par « Non, pour la énième fois, c’était une métaphore et de toute façon quand j’ai le téléphone collé à l’oreille mêle toi de ton cul ». Bucky sourit en entendant cette petite conversation et se réjouit pour son amie.
« Oh, je vois que tu as trouvé le prince charmant ! » Puis il haussa la voix dans le combiné dans le but d’être entendu par l’autre homme. « Si jamais elle te demande de vous installer ensemble enfuis-toi le plus loin possible !
-Bordel Bucky arrête tes conneries ! Cracha-t-elle en fronçant les sourcils même si il ne pouvait pas la voir. Y’a aucune chance qu’on s’installe ensemble de toute façon.
-Ça va je déconnais ! Bon, c’est pas tout mais mon prince charmant aussi vient de se réveiller et j’aimerais avoir le droit à un autre round donc je raccroche !
-T’es pas censé être en voyage d’affaire toi ?
-J’ai bien le droit de me détendre ! »
Aussitôt dit, aussitôt fait, il raccrocha. De toute façon Natasha était largement habituée au comportement de son ami tout comme à sa bisexualité. Elle était même au courant de sa passion secrète pour Captain America et ne se gênait pas pour se moquer de lui avec ça quand lui se moquait d’elle pour autre chose.
|| March 2004, Brooklyn, USA
Bucky avait noué un lien très fort avec Garry, le petit ami de Natasha. Ils étaient devenus comme des frères et la demoiselle s’arrachait parfois les cheveux lorsqu’ils avaient décidés de se liguer contre elle pour une blague pas drôle du tout (enfin pas pour elle). D’un autre côté, elle savait qu’elle pouvait compter sur Bucky pour rendre la pareille à Garry car s’amuser et emmerder les autres étaient un des domaines de prédilection du milliardaire. Seulement un évènement vint détruire cette relation amicale (et amoureuse pour deux d’entre eux). Âgée de 23 ans, la jeune femme se fit tuer lors d’une mission et Garry, dévasté, démissionna de son poste d’espion-assassin. Rongé par la culpabilité, il se persuada que c’était de sa faute puisqu’ils étaient toujours en duo normalement mais que cette fois ci il n’avait pas pu venir car envoyé sur le champ à un autre endroit du globe par leur patron. Bucky est alors âgé de 25 ans lorsque cet évènement vient le terrasser lui aussi et le faire sombrer dans une période d’alcoolisme. Clamant au reste du monde qu’il s’en est très bien remis, il est pourtant brisé à l’intérieur. Seul Garry, venu habiter chez lui quelques temps pour se remettre sur les rails et retrouver une situation avec un autre emploi, remarque sa détresse même si il sait qu’il ne peut rien y faire.
|| November 2007, Manhattan, USA
Petit à petit, la vie a repris son court et les jours ont tissé le fil de l’absence de Natasha. Garry ne s’est jamais remis avec qui que ce soit et n’a d’ailleurs jamais accepté aucun rendez-vous galant, mais petit à petit il a lui aussi remonté la pente grâce à Bucky qui en cachant sa douleur et en continuant à sortir (principalement pour boire) l’a poussé à ne pas se renfermer. Il devait sauver son ami de la détresse et le remettre sur la bonne voie comme l’aurait fait Natasha, alors il se releva de lui-même pour y arriver. Et trois ans plus tard les deux hommes avaient repris un semblant de goût pour la vie même si Garry ne voulait plus de relation et que Bucky refusait toute forme d’amitié féminine.