Helen Ҩ Clayton

"La folie, c'est l'état d'un esprit qui s'abandonne sans règles à toutes les chimères dont il est frappé."

Que faire? Comment faire? Comment continuer à arpenter ce monde où il était totalement invisible? Cela faisait déjà deux bonnes heures que Clayton était au milieu de la route principale du village de Spring Harrow. Deux heures, deux longues heures que les voitures lui passaient à travers. Si cela l'amusait? Pas même un brin. Le français finit par s'asseoir sur le bord du trottoir, la tête entre les genoux. Comment en avait-il pu arriver là? Si seulement il avait la réponse à cette question. Si seulement il pouvait mourir totalement. Que fallait-il qu'il fasse pour que cette sympathique faucheuse l'emporte? Plus de quarante ans que Rosenfeld se posait cette interminable question. Il n'y avait rien à faire.
Certains jours, il cherchait cette raison, il tentait de découvrir ces origines, il tentait de fouiller les archives pour trouver le meurtrier d'Aimee ou bien le sien. A la fin de la journée, ce n'était qu'un immense vide qu'il ressentait, il n'avançait pas, il était condamné à cette vie de solitude sans espoir de pouvoir parler à quelqu'un qui le comprenait.Parfois, il arrivait à se matérialiser quand il en avait la force et dans ces cas là, il accostait un vivant mais les temps avaient changé. Pressés, ils étaient toujours pressés et Ambroise finissait bien vite seul dans ces limbes. Excédé, il s'amusait à hanter cette personne qui l'avait laissé tomber. Quelques jours seulement mais c'était bien suffisant pour que l'humain en question commence à devenir fou et paranoïaque pour une vie toute entière.

Encore une fois, les larmes coulaient le long de la joue de Clayton. Flux incontrôlable qui le laissait amer. Les remords, ce sentiment qui avait mangé le reste d'humanité qu'il avait en lui. Tous les jours, comme celui-ci, il priait pour retourner en arrière. Il priait pour ne pas naître, ne pas être ce descendant d'une union indigeste. Il priait pour ne pas faire autant de mal à Aimee, il priait pour qu'elle ne meure pas. Tous ses souvenirs étaient brouillés et Clayton avait l'impression que son esprit allait imploser. La tête entre les mains, il tentait de déterminer ce qui était vrai ou faux. Il était né en 1942, vérité. Il était mort dans un accident de voiture, mensonge. Il se savait fou, comment l'en blâmer après quarante années de quasi solitude? Ambroise releva les yeux, s'essuya le visage rapidement et regarda les passants. Il avait vu les changements de la civilisation, il les appréciait mais les mentalités, c'était une autre histoire. Rosenfeld finit par se relever et se mit à marcher sur le trottoir, passant à travers les vivants qu'il croisait, l'indifférence sur le visage.
Il continua pendant presque un kilomètre puis quelque chose le frappa. Ambroise se sentait observé. Il n'avait jamais ressenti cette sensation en près d'un demi siècle. Il s'arrêta et observa autour de lui. Une femme s'approchait, comme si elle le voyait. Clayton émit un sourire d'espoir... Et s'il n'était plus seul?

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La folie, c'est l'état d'un esprit qui s'abandonne sans règles à toutes les chimères dont il est frappé. →

Clayton & Helen
★★★★★★

« Un maelström est un volume important d’eau de mer qui conserve ses caractéristiques particulières et son mouvement circulaire bien qu’il fasse partie intégrante du grand océan qui l’entoure. Son nom, prononcé malstreum avec un eu fermé long, vient du hollandais et se compose de malen, moudre et de ström, courant. La façon donc un maelström peut conserver … » Bla, Bla, Bla. Et avec ça, il y avait tout un historique des courants divergents et convergents, des plus impétueux maelströms observés et d’autres phénomènes aquatiques. Sérieusement, il fallait vraiment qu’elle ait du temps à perdre pour s’intéresser à pareil ouvrage. Bien sûr, le contenu était intéressant. Mais, sur le fond… l’information aurait peu d’utilité dans son cerveau et n’aurait sans doute jamais d’aboutissement pratique. Refermant le livre sèchement, elle le déposa sur la table et décida d’une promenade du côté de Spring Harrow, lieu qu’elle avait bien trop peu visité depuis la catastrophe terrestre. Les choses s’étaient passées il y a maintenant quelques années mais jamais Helen n’avait eu l’envie, ni même la curiosité, de se lancer à l’assaut de cet endroit vivant qui avait aujourd’hui une si grande réputation chez les morts. Elle avait eu bien d’autres soucis pour se préoccuper de l’avancée de problème « tunnel ». Seulement quelques tours de l’autre côté avait pu lui permettre de mettre des images sur les phrases et les désignations que chacun pouvait dire sur cela.

Journée paisible sans évènement particulier. Tout juste un peu de lecture alors que le jour éclairait brillamment Skyline. Le soleil brillant et chaud lui donnait envie de sortir et de profiter. La curiosité la poussa finalement à s’engager vers le tunnel. Helen avait très rarement envie de visiter l’autre côté de l’univers, l’autre face du monde dans laquelle elle semblait avoir vécu bien moins de choses qu’au Skyline. Aujourd’hui allait sans doute faire exception à la règle. Parvenue à la fin du tunnel, prête à s’engager sur la route de Spring Harrow, elle hésita. Pourquoi, soudainement, partir à l’aventure le temps de quelques heures ? Pourquoi vouloir découvrir cette ville qui l’avait si peu intéressée ? Curiosité, soudaine empathie pour cet autre côté. Peut-être trouverait-elle un coin tranquille dans lequel passer le reste de la journée. Un endroit simple pour découvrir la ville et ses habitants, les observer sans contraintes, aussi indiscrètement que possible. La jeune femme n’était pas si intéressée par ces autres habituellement, elle se contentait d’observer les personnes qu’elle connaissait … plus ou moins mais, pourquoi ne pas changer la donne aujourd’hui et apprendre à s’intéresser aux autres, même succinctement et de façon fantomatique. Une raison de plus qui la rassurait quant à ses observations : personne ne pouvait la voir, pas qu’elle sache et elle ne le voulait pas. Bien sûr … si un faucheur débarquait ou un autre habitant de Skyline, elle aurait tôt fait de paraitre ridicule mais les probabilités étaient moindres.

Assise sur un simple banc aux couleurs vertes pomme, Helen décida de rester là, le plus simplement possible, comme le bon fantôme qu’elle était dans cette partie du monde. Totalement invisible aux passants, toujours à l’abri des regards, la brune fouilla dans son sac, à la recherche d’un objet très utile pour protéger les yeux par ce temps. Surprise par le rose fluo qui lui tapa dans l’œil, elle sortit une petite chose qu’elle ne pensait pas trouver dans son sac. La tournant sous toutes les coutures, elle en vint à cette simple conclusion : elle se baladait avec une licorne rose dans le sac … Légèrement encline à penser à une bonne farce d’une quelconque relation qu’elle avait, Helen laissa la peluche traînait dans une de ses mains, la serrant un maximum. Maligne qu’elle était avec cet objet enfantin ! Une moue amusée sur le visage, elle hésita à converser avec le cheval à corne, seule chose susceptible de la voir et de l’entendre dans cet univers. Il n’y avait rien de mal à chercher le contact … même si c’était avec un être dépourvu d’âme, de souffle et tout simplement de vie … Les yeux relevés vers une voiture qui circulait à toute allure, elle s’étonna de voir un homme simple, au centre la route, seulement quelques secondes après la venue du véhicule. Elle resta sur son banc, sans le quitter des yeux alors qu’il avançait parmi les passants. Elle le perdit un instant du regard, le retrouva. Il avait quelque chose de particulier. Un air qui lui plut instantanément. Un petit quelque chose qui faisait de lui un personnage atypique ou tout simplement, homme plus qu’attirant.

Redressée, Helen avança vers l’inconnu. Il ne pouvait pas la voir, il ne pouvait pas savoir qu’elle serait là à l’observer. Il n’y avait pas de mal à regarder les belles choses de temps en temps ! Proche de lui, son regard le scruta des pieds à la tête et elle ne put que lâcher simplement avant de décider de changer d’angle de vue et de passer bien derrière le personnage :


HELEN ▬ Mignon … très bien fait le monsieur gueule d’ange !

Helen Ҩ Clayton

"La folie, c'est l'état d'un esprit qui s'abandonne sans règles à toutes les chimères dont il est frappé."

Les évènements vous entraînaient toujours dans des spirales dont l'espoir était exclu. Presque un demi siècle que Clayton était à demi mort et il se rendait bien compte que sa folie prenait le dessus sur tout ce qu'il avait été auparavant. Charmant, charismatique, impulsif, avenant et bien sûr persévérant, tout cela était partie en fumé depuis des décennies laissant derrière un filet de haine difficile à oublier. C'est comme si Rosenfeld était devenu un autre homme: la solitude créait la dépression, la dépression créait la folie et la folie vous enfermait encore plus dans votre solitude, cercle vicieux de la vie qui ne permettait pas au jeune homme de prendre une nouvelle route, de suivre son instinct comme il l'avait fait tant de fois de son vivant. Zombie, vagabond, le journaliste n'avait plus que ses yeux pour pleurer et des distractions peu recommandables.

Clayton, pourtant, continuait de marcher, de sortir dehors chaque jour avec l'infime espoir que quelque chose de différent se passerait cette fois. Il finissait bien souvent déçu, se remémorant qu'il était coincé entre les vivants et la mort, que c'était la torture qui l'avait amené ici et qu'il était à l'origine de la mort d'innocents. ce jour là n'avait pas dérogé à la règle même s'il était plus ancré dans la déprime qu'habituellement. Quelques pleurs, laisser les humains lui passer à travers et ne plus avoir envie de rire, rêver de la mort, la vraie mort qui ne venait jamais. Enfin, ce cher Clay était dans un état bien pitoyable, fonçant dans ces êtres sans âme au sens figuré du terme, lorsqu’il remarqua cette jeune et jolie femme. Illusion d'optique ou réelle vision? celle-ci le regardait et s'approchait avec un air assez décidé. Clayton s'était arrêté pour tenter de comprendre, immobile, il ne montra aucun signe qu'il pouvait la voir, c'était trop tôt et il ne réalisait pas tout à fait. Ambroise conserva son regard rivé vers le vide, laissant l'inconnue lui tourner autour d'une manière bien étrange. Le pauvre vagabond n'était pas bien certain de l'objet de cette investigation approfondie du moins jusqu'à ce qu'elle ouvre la bouche. Là, son rire finit par se faire entendre, il n'avait pas entendu ce genre de commentaires depuis près de quarante années mais il fallait avouer que cela lui plaisait et lui remontait considérablement le moral.
Avec une rapidité impressionnante, Clay se retourna vers l'étrangère, avec son premier sourire de la journée affiché. Tout d'un coup, il se sentait bien mieux, il avait la nette impression qu'il allait enfin pouvoir se retrouver. Intuition qui lui procurait un bien-être incomparable et intérieurement, il remarquait cette femme plutôt sans-gêne à qui il souriait ostensiblement...


Est ce que j'ai le droit de préciser que vous n'êtes pas mal non plus? Enfin, après tout, je ne me suis pas permis de faire un état des lieux aussi détaillé que vous... Alors comme cela vous pouvez me voir? C’est presque une première...

Son sourire moqueur s'effaça quelques secondes pour céder à la douloureuse mélancolie. Ambroise finit par se reprendre, il croisa les bras avant de se tenir bien droit face à cette charmante inconnue...

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