« coming home to you »

❝ featuring Moira ❞

Sauver des vies. Cela avait toujours fait partie de la morale de Ciarán. Sans cela, il n'était plus rien, plus qu'un pantin sans valeur qui attendrait la fin de ses jours au Skyline. Il était bien content d'avoir conservé ce métier, cette passion qu'il avait de l'être humain, le partage n'en était que plus intéressant même si les objectifs avaient changé. Ici, tout le monde était déjà mort. A quoi bon être secouriste dans de telles conditions? Perdre sa seconde chance, voilà l'enjeu et Ciarán savait pertinemment que le trou noir qui les attendait ne semblait pas charmant. Plus d'une décennie qu'il arpentait le Skyline pour empêcher des incendies mortelles, pour sauver des jeunes enfants qui jouaient les imprudents. Au final, la mort avait la même saveur que la vie. Un coeur qui ne bat plus et pourtant des sensations que l'on n'oublie jamais.
A chaque fois qu'il passait par le parc, il ressentait le bonheur des bambins sur la balançoire, l'odeur de l'herbe fraîche, les personnes âgées en train de papoter sur un banc. Tout cela faisait sourire l'irlandais... Enfin, tous les jours, sauf aujourd'hui.

Le morale au rabais, le secouriste prenait sa garde. Il avait passé sa matinée à remplir sa tâche de faucheur, il aurait préféré éviter pour une fois. Remonté à Spring Harrow pour un enfant de quatorze ans qui avait cette tenace maladie qui aurait dû emportée Ciarán si le destin n'avait pas décidé de le consumer vivante. Des picotements terribles le parcourut lorsque les images lui revinrent en tête. Malgré les années qui passaient, certains souvenirs les plus malheureux de sa vie restaient bien ancrés en lui, comme le martèlement incessant d'un marteau piqueur. Perdu dans ses pensées, il alla en intervention, rien de bien grave heureusement mais en un rien de temps, il se retrouva dans le fameux hôpital du Skyline. Sous bien des rapports, il ressemblait à celui qu'il avait côtoyé de son vivant à Belfast, malgré les visages différents. La même agitation, les mêmes blouses blanches qui virevoltaient devant lui, il avait toujours cette impression enivrante de faire partie intégrante du décor, lui, le simple secouriste qui venait ramener les patients, en ayant rempli sa part du contrat. Bizarrement, de nombreux souvenirs qu'il qualifierait d'heureux -il ne savait pas exactement ce qu'était le bonheur- le submergeait dans ce type d'endroits. Il fallait avouer qu'à part le fameux jour de son diagnostic, Moira lui avait procuré les seuls sourires qu'il offrait au monde, seul son frère y avait eu le droit avant elle. Ciarán n'avait jamais réussi à mettre un nom sur cette relation, il s’était d'ailleurs empressée de l'oublier dès son arrivée ici, l'attachement faisant partie de sa liste noire. Il monta les escaliers et quitta les urgences pour un service plus calme, il s'assit dans cette salle d'attente -il ne savait absolument pas ce qu'il faisait là- et pensa. Il pensa à sa maladie, à ce monde qui ne tournait pas rond, à la manière dont il était mort, à ses remords pour son frère, pour sa mère et il pensa également à ce qui était advenu des gens qu'il avait côtoyé: son père, ses collègues, les patients de l'hôpital, Moira..
Il ne s'en doutait pas encore mais il aurait bien vite la réponse. La porte de la petite salle s'ouvrit et un visage chaleureux fit son apparition. Ce visage, ces traits, ils les auraient reconnu entre mille. Moira. Alors comme cela, elle était morte elle aussi. Depuis combien de temps? Comment? Un tas de questions qu'il n'avait pas l'habitude de se poser vinrent le chambouler soudainement. Ciarán finit par croiser le regard de la jeune femme. Hoquet de surprise puis le secouriste se leva, ayant certainement l'air ridicule au milieu de cette salle d'attente son uniforme sur le dos. Il se rapprocha complètement obnubilé par cette apparition venue d'outre-tombe, d'un passé lointain. Quatorze années. Longue période que Ciarán pensait voir prolonger à l'infini. Sans être sur de ce qu'il faisait, l'irlandais se mit à parler, sa voix ne décelait rien: pas d'émotions, pas d'intense joie, de la simple curiosité qui masquait toute autre chose certainement.

Moira. J'en reviens pas. Toi, ici? A croire que même dans la mort, le monde est petit... Je pensais qu'on ne se reverrait jamais...

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❝ featuring Moira ❞

Ne rien ressentir, choisir la solution de facilité. Toujours. C'était la base pour
Ciarán. Pendant des années, il avait été une personne renfermée, depuis la mort de sa mère. Durant sa jeunesse, malgré le contexte sanglant et la famine, on comparait le jeune irlandais à une vraie pile électrique. Il était surtout un être aimant, généreux et étonnamment empathique avec ceux qui l'entouraient. Il avait suffi d'une catastrophe, d'un évènement tragique pour que cette boule d'énergie prête à tout partager avec tout le monde se renferme comme une huître à jamais. De ce fait, peu de gens ne connaissait intimement O'Reilly, en vérité, il ne restait que son tendre frère avec qui il partageait tout. Tout, c'était un peu exagéré avec les secrets que Ciarán avait toujours gardés. Il ne voulait faire de mal à personne et préférait que tout ce qu'avait été sa vie reste dans le passé le plus longtemps possible.
Moira faisait partie de ce passé. Facile à dire quelques minutes plus tôt, désormais, la donne était différente. Ciarán avait entretenu une relation avec elle lors de ses différents passages à l'hôpital. Quelque chose l'avait toujours attiré chez elle, sans réellement définir le petit plus qu'elle avait. Bien évidemment, l'irlandais ne s'était jamais laissé allé à autre chose qu'une simple ambiguïté, le sentiments n'étaient qu'une gêne qui entraînaient des cataclysmes à n'en plus finir. La voir ici, aujourd'hui, dans l'imprévu le plus extrême, ne le laissait pas indifférent. Les années passaient mais cette femme n'avait pas beaucoup changé. Ciarán pensa instinctivement qu'elle était déjà morte depuis quelques temps. Ils ne s'étaient pas vus pendant ce temps alors qu'O'Reilly passait un temps fou à arpenter cet hôpital. Le destin était étrange parfois.

Pour le moment, aucun des deux protagonistes ne laissa transparaître plus que de la curiosité sur leur visage. Moira, légèrement maladroite, finit par lui demander s'il voulait passer un petit moment dans son bureau pour refaire connaissance certainement. Les facteurs de leur vie avaient profondément muté certainement. Du côté de Ciarán, la plus grande transformation était bien évidemment sa guérison, la mort l'avait libéré de ce corps anémié et pas loin de la rupture. On pouvait dire que cet incendie était tombé à pic mais pour Moira, qu'en était-il? Elle était mariée à l'époque où ils s'étaient connus et avait toujours ressenti un brin de culpabilité en encourageant cette relation extra-conjugale qui apparaissait comme sans importance.
Ciarán regarda Moira avec un sourire timide, hocha la tête furtivement et la suivit dans son bureau. Le décor ne détonnait pas de ses souvenirs malgré que l'on ne soit pas dans ce bon vieux hôpital de Belfast. Quelques mauvais souvenirs de ces derniers moments passés ici: la leucémie, cette affreuse maladie qui avait rongé tout ce qu'il était avant d'être emporté tragiquement par les flammes d'Omagh. Le jeune faucheur resta planté au milieu de la pièce, un peu perdu dans tous ses souvenirs qu'il croyait avoir oubliés. Il fallait qu'il revienne sur Terre et c'est ce qui arriva, la curiosité piquée au vif.

Alors, il s'est passé quoi pour toi après... Enfin, je suppose que tu sais ce qui m'est arrivé... Le point positif, c'est que je ne suis pas mort de la manière dont tu le pensais... Comment t'es arrivé ici? C'est quand même fou, cela fait quatorze ans.

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❝ featuring Moira ❞

Le temps n'effaçait jamais rien. Les années qui passaient ne retiraient rien du tout. Après tout, quatorze années séparait Ciarán de sa dernière entrevue avec Moira. Celle-ci avait été teintée de tristesse. Oui, à cette époque, il était déjà condamné. A vingt six ans, on lui demandait de faire ses adieux au monde, faire ses adieux à la vie. Quoi de plus injuste? Il n'avait rien vécu. Absolument rien. Des relations sans importance majeure, sa famille était décimée. Il ne lui restait que son frère jumeau et cette femme, cette énigme qui l'avait poussé à se battre. La retrouver après tout ce temps passé lui procurait une sensation étrange. L'irlandais n'avait jamais réussi à mettre un nom sur leur relation: la jeune femme était mariée et elle était devenue son médecin. Tout cela était pour le moins ambigu, tout comme aujourd'hui. Des regards emplis de sous entendus, des remarques qui masquaient leurs véritables pensées, tout l'artifice était là. Se pourrait-il que cette histoire sans véritable lendemain ait laissé une trace indélébile dans leurs jeunes esprits? Ciarán n'y avait jamais pensé. En quatorze années de mort, il n'avait pensé à rien. Il était loin d'avoir imaginé ce que Moira était devenue durant ce laps de temps. Avait-elle fini par quitter ce mari qui ne lui apportait qu'une misère sentimentale? Avait-elle fondé une famille? Que s'était-il passé pour qu'il termine aujourd'hui face à lui? Des questions qui trottaient dans le crâne de l'irlandais, de douloureuses questions qui le ramenaient des années en arrière. Est ce qu'il avait fait les meilleurs choix? En cet instant, il était forcé de répondre non. Il avait éloigné une femme de sa vie, de son mari. Comportement totalement immoral qui ne lui avait pas posé problème auparavant. Pourtant, la vision de Moira n'avait pas changé, elle semblait toujours être la femme triste et maussade, une femme qui était passée à côté de sa vie et de son bonheur. Pourquoi Ciarán se sentait-il coupable de ce constat?
Perdu, il se laissa entraîner dans ce bureau ordonné, aussi net qu'une vie vidée, rangée dans un placard et oubliée à jamais. Faire table rase de son passé, s'abandonner à la contemplation d'un présent qui ne vous faisait pas avancer, se retrouver indéniablement coincé dans un fantasme qui ne serait jamais vôtre. Voilà ce que Ciarán réalisait en plongeant son regard dans celui de l'irlandaise. La jeune femme lui parlait de son espérance de vie de l'époque, pour Ciaránn ce n'était que des foutaises. Il savait pertinemment que son corps lâchait bien plus vote que son esprit et que ce n'était qu'une question de mois. Jamais, il ne s'était voilé la face pour ce diagnostic. Était-ce le cas de Moira? Encore des questions, toujours des questions dont il ne saurait jamais la réponse.

Tu sais pertinemment que le calvaire n'aurait pas duré longtemps... Mais, c'est du passé, je ne suis pas mort de cette manière...

Un petit instant de silence avant que la conversation ne se poursuive. La curiosité de Ciarán était bien trop importante, il voulait juste savoir ce qui lui était arrivé, ce qui s'était passé dans la vie de Moira pendant cette décennie. C'était une sensation étrange pour lui qui se permettait uniquement de laisser une distance impénétrable avec le reste du monde. Moira était une de ces exceptions, sans que l'homme ne sache pourquoi. Moment confidence, enfin, c'est ce à quoi il s'était attendu. A vrai dire, il ne sut pas grand chose. Une routine, un vide persistant, c'est tout ce que lui renvoyait Moira. Sa mort? Ciarán n'eut pas la chance d'en connaître la raison. A la sortie d'une banque? Fait étrange qui le laissa sans voix pendant quelques instants. Il croisa les bras dans un geste de réflexion, en réalité, l'irlandais tentait d'assembler les pièces dans son esprit. Aucun élément ne lui permettait d'avoir des conclusions. Avait-elle été heureuse? Tout cela, Ciarán n'en savait rien. Il marcha à pas lents autour de la pièce. L'angoisse le prenait, avait-il des regrets aujourd'hui?

La routine? Quatorze ans de routine Moira? Me dis pas que tu as continué dans la même direction après ma disparition... Tué en sortant d'une banque? Moira, tu t'es fait assassiner?

Ciarán avait une boule à la gorge en pensant à cette idée. Une jeune femme aussi gentille tuée sans raison apparente. Comment les choses avaient-elle pu déraper à ce point? L'irlandais s'en voulait de ne pas avoir été là pour veiller sur Moira, après tout, il était en partie responsable de son malheur.
Et lui, qu'était-il devenu dans tout cela? Ciarán stoppa son manège et revint se poster devant le bureau avec un air un peu désespéré. Il avait échoué, sa vie n'était pas meilleure, il n'avait pas sauvé le monde. Toutes les promesses qu'ils s'étaient faites n'avaient rien donné. Que pouvait-elle bien dire à Moira? Faucheur, secouriste, après tout, il était toujours le même. Rien n'avait changé dans la mort. Constat désespérant qu'il masqua par un sourire.

Toujours le bon vieux Ciarán, toujours secouriste comme tu peux le voir. Je suis aussi devenu faucheur. En bref, un hyperactif de plus au Skyline mais je n'ai pas changé.

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❝ featuring Moira ❞

Le destin avait voulu qu'il en soit ainsi. Ils avaient dû se séparer. Ciarán n'avait jamais remis en doute cette nécessité de passer à autre chose, de vivre de nouvelles aventures. D'ailleurs, il avait toujours espéré que son son départ soudain ait servi d'électrochoc à Moira. Il fallait croire que tout le contraire était arrivé. Si seulement il avait eu le temps de lui dire tout ce qu'il pensait à l'époque, maintenant, c'était trop tard. La vie avait changé bon nombre de facteurs et il n'était plus dans son droit de faire des commentaires sur la vie ou la mort que Moira avait mené jusqu'ici. Alors, il se contentait de sourire. Il n'avait plus mal, il ne regrettait plus. Oui, pendant un temps, il avait voulu effacer ce passé, effacer la présence de cette femme pendant ces derniers mois de vie. Pourquoi? Tout simplement pour elle. Il avait été égoïste de la laisser entrer dans sa vie alors qu'il savait que ce n'était qu'une question de semaines. L'irlandais avait attaché Moira à un idéal qu'elle n'avait plus voulu vivre après sa disparition. Pourtant, aujourd'hui, Ciarán était en paix avec lui même, il lui avait fallu une dizaine d'années pour effacer ses regrets. Il était bien triste néanmoins de voir cette femme toujours aussi seule et malheureuse, si seulement, il avait pu agir à l'encontre des sentiments que Moira pouvait ressentir...
O'Reilly ne la connaissait plus de toute manière. Le passé était bien lointain, ces quelques moments volés avaient beau laissé une trace irréfutable, d'autres instants avaient pris leur place. La fatalité, voilà ce que Ciarán regrettait. Il n'avait rien pu faire pour vivre plus longtemps, le sort s'était acharné sur une mort rapide et violente, il n'avait pas eu le droit de dire au revoir, peut être était il enfin temps... Une idée qui disparut bien vite, un adieu était bien au dessus de ses forces maintenant que son regard était plongé dans celui de son ancienne amante. Celle-ci regrettait sa mort soudaine, elle aurait voulu une vie meilleure pour lui. Il fit apparaître un sourire fugace sur son visage. Certes, sa vie n'avait pas toujours été de tout repos mais il n'avait pas été le plus malheureux de tous les hommes, tout cela était bien grâce à la femme en face de lui et ce cher frère qui l'avait toujours soutenu.

Je n'ai pas à me plaindre à ce niveau là Mo', je t'assure. J'ai eu la vie que je méritais tout simplement et cela m'a suffi. J'ai quand même pu vivre de beaux moments...

Son regard s'échappa vers la fenêtre derrière Moira et Ciarán se mit à penser. Pourquoi les choses n'avaient-elles pas été différentes? Il fallait avouer que l'irlandais ne s'était jamais posé de questions de son vivant. Jamais, il n'avait pensé à l'histoire qu'il vivait avec Moira à l'époque. De ce fait, il n'avait jamais défini s'il y avait des sentiments cachés derrière tout ce qui s'était passé quinze années plus tôt. Et aujourd'hui? La réponse était encore plus floue. O'Reilly avait toujours mis son travail en ligne de mire, même lorsqu'il avait appris sa maladie. Est ce que s'il avait l'occasion de recommencer, il changerait cela? Rien n'est moins sûr. Il n'avait jamais imaginé une femme dans sa vie, pas comme son jumeau qui s'était marié et avait eu une jolie petite fille. De toute manière, Ciarán ne pouvait plus revenir en arrière, il finit par reposer son regard sur Moira. Celle-ci était également devenue muette pendant quelques minutes. Pour le moment, les deux individus profitaient de ce silence étrange, les yeux dans les yeux.
Il fut coupé assez rapidement par les interrogations de Ciarán. Il avait du mal à supporter que Moira n'ait pas refait sa vie avec quelqu'un qu'elle aime vraiment. Comment avait-elle pu continuer dans cette routine morbide? Moira lui avoua quelques détails de sa vie. Elle avait eu un enfant. A cette idée, le coeur de Ciarán se serra sans qu'il ne sache pour quelle raison. C'était assez étrange d'ailleurs étant donné qu'elle insista sur le fait qu'elle avait continué à vivre dans la douleur d'un mariage catastrophique. A partir de cet instant d'ailleurs, elle évita son regard. L'irlandais tenta un sourire approbateur. Elle avait au moins eu une personne à aimer et rien que ce constat le remplissait de bonheur.

Une petite fille? Je suis heureux pour toi Mo'. Elle a certainement dû t'apporter ton lot de bonheurs. Tu le mérites... Même si tu as continué à vivre dans ce mariage chaotique... Tu aurais certainement dû trouver.. Quelqu'un d'autre, tu vois...

Pour une fois, Ciarán perdait ses mots. De la déception? Peut être que cette nouvelle ne l'enchantait pas autant qu'il le faudrait. Ce mari dont elle lui avait maintes fois parlé ne l'avait jamais rendu heureux et l'idée qu'il ait donné à Moira un enfant le rendait bien plus que mal à l'aise. Pour l'irlandais, c'était même contre nature mais il se cacherait bien de lui avouer. A la place, il marcha un peu avant de se poster à seulement quelques centimètres du bureau, rajoutant une proximité déconcertante entre lui et Moira.
La suite de la conversation les amena à parler de la mort de la jeune femme. Ce qu'elle confessa était étrange, sa mort était entièrement de son ressort. Moira était la femme la plus gentille et rangée que Ciarán avait rencontré. Comment avait-elle pu provoquer son assassinat à la sortie d'une banque? Un véritable mystère pour le pompier qu'il la regarda avec un air perdu. Son ancienne amante appuya même ses propos en disant que tout cela n'avait plus d'importance. Elle avait pourtant lâché une bombe qui ferait son chemin dans le cerveau de O'Reilly, il voulait seulement comprendre. Le jeune homme croisa les bras et finit par s'asseoir et s'accouder au bureau, en regardant intensément la médecin.

Tout dépend ce que tu as fait Moira et surtout pourquoi tu l'as fait... C'est dans ces moments là que je regrette de t'avoir laissé seule là haut...

Ciarán ne savait ps ce qui le poussait à se confier de la sorte. Ce n'était pas dans sa personnalité, habituellement, il restait une personne très secrète. Peu de personnes savait ce qu'il pensait, Ciarán était une énigme en quelque sorte. L'irlandais regarda ailleurs une nouvelle fois, il fallait évacuer cette tension ambiante qui commençait à le mettre mal à l'aise. Les années passaient mais rien ne changeait, pas cette espèce d'alchimie qu'il y avait entre eux.
Les deux individus repartirent sur des banalités. Ciarán avoua être devenu faucheur, en plus de son job de secouriste. Sauver le monde, comme à son habitude, faisait partie de ses objectifs et il était prêt à tout pour cela. Moira lui sourit en commentant sa vocation récente.

Parfois, ça l'est. Pas toujours simple lorsqu'il s'agit d'un enfant.. Mais tu me connais, je ferais n'importe quoi pour sauver le monde. Même quinze années dans la mort n'a pas effacé cela.

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❝ featuring Moira ❞

Vivre sa mort avec la même vivacité que ses vingt six années d'existence, jouer avec ses limites et ne pas avoir peur du péril qui vous guettait. La philosophie de l'irlandais était ainsi: vivre pour que les autres puissent chérir leur bonheur, peu importe le prix qu'il devrait payer pour ce sacrifice personnel. En réalité, Ciarán n'avait jamais réellement vécu: seulement par procuration, à travers son frère jumeau et les patients qu'il avait sauvés. Il n'avait été vivant que pour ressentir cette fierté d'avoir redémarré un coeur, éteint un feu ou encore fait sourire une âme en peine. A aucun moment, son sourire n'avait été le reflet de son bonheur individuel. Cela aurait pu être le cas si ses visites dans le bureau de Moira n'avaient pas été ponctuées d'une douleur innommable au fond de sa poitrine: celle de la maladie qui lui rongeait l'âme dans sa totalité à une vitesse grand V. Mourir à petit feu et devoir subir le regard de pitié de cette femme qu'il avait éloigné de sa famille par pure narcissisme. Des souvenirs lointains, voilà ce qu'il restait de tous ces moments colés, des souvenirs, des mots qui ne signifiaient plus grand chose alors que Moira avait l'espoir pour lui qu'il se soit recréé une vie digne de ce nom.
Il aurait pu lui mentir, lui dire que chaque soir, une femme l'attendait à la maison, il aurait pu lui parler de cette famille imaginaire et encore mieux, il aurait pu lui avouer qu'il avait changé de passion, qu'il avait enfin compris que le secourisme ne lui apportait que malheurs et la mort au tournant. Pourtant, O'Reilly, regarda son ex amante avec des yeux où l'amour du risque et surtout la peur de s'attacher à quelqu'un d'autre, après être tombé dans ses filets sans en évaluer les dégâts sur son coeur déjà meurtri par les épreuves de la vie, prit le pas sur cette illusion sans importance.

J'aurais pu faire plein de choses certainement mais je n'en avais pas la force tout comme je n'en avais plus l'envie. La mort m'attendait et c'était sûrement mieux ainsi, pour moi comme pour toi d'ailleurs. Quant à ce que j'ai créé au Skyline, je dirais que c'est une copie conforme de ce que j'avais là haut mais je n'ai jamais cherché à combler les vides de quelque manière que ce soit.

Un petit sourire lourd de sous entendus lancé à Moira et la conversation dériva sur l'enfant de cette dernière. Plus d'une décennie que le fruit de l'union de Moira arpentait cette Terre, vivant certainement des jours paisibles aux côtés de son père. Ciarán ne saurait définir la nature de ses sentiments à ce propos: Moira avait construit quelque chose de bien plus grand en son absence, de la fierté ou bien une jalousie maladive? Wyatt savait qu'il n'avait laissé aucune trace de son passage sur Terre hormis un article défraîchi dans un vieux quotidien qui devait certainement avoir disparu. Sa solitude l'avait empêché de vivre pleinement et de suivre les pas de son jumeau, il le regretterait certainement toute sa mort mais on ne pouvait lutter contre sa nature profonde sans y laisser des plumes.
Le regard de Moira brillait à l'évocation de Siobhan, cette fille qui lui avait tout apporté jusqu'à sa mort. Que pouvait-elle ressentir alors qu'elle avait dû l'abandonner à son sort rattrapée par la Faucheuse? Ciarán n'avait aucune idée de ce que ce type d'amour provoquait chez un individu, il se doutait seulement de la force spectaculaire du lien engendré par une naissance. Un sourire embarrassé sur les lèvres, le secouriste tentait de masquer son désarroi face au discours de la médecin.

Siobhan, c'est très joli Mo'... Je suis désolé que les choses ne se soient pas déroulées de la manière dont tu aurais rêvé. J'espère que tu pourras revoir ta fille un jour surtout. Attendre, toujours attendre... Tu ne devrais plus agir comme cela Moira, tu devrais suivre ton instinct si tu ne veux pas que ta mort t'échappe tout comme ce fut le cas de ta vie. Justement, vis Mo', fais ce que tu as toujours voulu faire sans te poser de questions sur les conséquences de tes actes... Sois toi même, comme lorsque nous étions ensemble...

Il jouait avec le feu tout comme il l'avait toujours fait. Se remémorer la présence de la jeune femme, son sourire franc qui faisait disparaître la détresse habituelle de son joli visage. Ciarán savait que leur relation n'avait jamais été sans conséquence: l'affection prenant le pas sur l'indifférence au fil du temps. Pourtant, l'irlandais avait toujours pris le soin d'éviter de montrer ne serait-ce qu'un centième de ce que son coeur avait pu vivre pendant les quelques mois où il avait connu Moira d'une manière bien différente qu'une simple connexion de médecin à patient. Son regard se perdit dans la contemplation des traits du visage de son ex amante comme s'il découvrait sa beauté. Moira, sa flamme, la seule qu'il avait été incapable d'éteindre malgré une volonté de fer de l'anéantir. Ravagé, contaminé, Ciarán était pris d'assaut par la force des instants passés en compagnie de la médecin. Le temps ne les avait pas effacé, rien ne pourrait jamais les faire s'évanouir.
La curiosité de l'irlandais l'obligea à en savoir plus sur la mort de la jeune femme. Qu'avait-il bien pu se passer pour qu'une personne aussi généreuse et terre à terre en perde la raison? Moira avait braqué une banque, elle s'était laissée mourir de la manière la plus brutale qui soit. Puis, la tendresse laissa place à la surprise. Moira laissa entendre que le poids des années avait entraîné son suicide, la mort comme échappatoire à sa vie morne et troublée par le manque d'affection. "Ton absence"... Cette expression résonna dans l'esprit de Wyatt, elle sonna comme une douleur atroce, l'amertume submergeant son effort de neutralité. Son sourire disparut, le masque s'effaça et le véritable Ciarán était enfin là, sans prétention, prêt à en découdre avec leur passé.

Je ne suis pas mort en héros, j'ai été complètement stupide. Comme si j'étais capable d'extirper une dizaine d'individus des flammes à moi seul. Ma mort ne détermine pas la personne que j'ai été, c'est la même chose pour toi Mo'. Je ne sais pas pourquoi tu as choisi cette mort, je pense que je ne le comprendrais pas mais cela n'efface en rien la merveilleuse personne que tu es...

Un léger silence pendant lequel Ciarán entreprit de contourner le bureau de l'hématologue, qui se refusait toujours à son regard. Moira continua de parler, plus pour noyer le poisson que pour faire la conversation. Bien rapidement, O'Reilly se retrouva aux côtés de la jeune femme, créant une nouvelle proximité entre eux. Le secouriste écouta d'une oreille distraite ce qu'elle avait à lui dire avant de tendre la main vers Moira.

J'ai comme l'impression que tu essayes de m'éviter Mo'... Comme si tu avais peur d'affronter ce que l'on a vécu ensemble. Contrairement à ce que tu pourrais penser, je ne le regrette pas et je me rappelle de tout...

Tout en se confessant à elle, Ciarán laissa sa main se poser sur l'épaule de son ex amante, le présent se mêlant inéluctablement au passé dans son esprit. Et si la mort offrait les mêmes opportunités que la vie? Et si rien ne changeait jamais, se contentant d'effacer momentanément ce qu'il y a de plus magique dans une vie humaine avant de le faire exploser à votre visage?

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❝ featuring Moira ❞

Laisser le passé derrière soi, bon nombre d'individus y arrivait avec une aisance flagrante. Pendant longtemps, Ciarán avait fait partie de ceux là. Ne pas se poser de questions, avancer sans se retourner, à quoi bon regretter le passé? L'avenir pouvait être bien meilleur, on ne pouvait jamais connaitre les surprises que la vie nous réservait -enfin dans son cas, la mort-, il fallait seulement plonger la tête baissée pour les voir venir à nous. Voilà ce que l'irlandais avait tenté de faire pendant cette décennie, avec peu de résultats certes mais ses ambitions étaient bien différentes d'un être humain lambda. L'altruisme, voilà ce qui le définissait réellement. Voir sa mère mourir, subir la guerre, la pauvreté et la famine l'avait changé. Il aurait pu rester un adolescent turbulent et dissipé mais il avait choisi une voie plus personnelle, qui lui ressemblait réellement. A l'heure d'aujourd'hui, il ne regrettait pas le chemin parcouru au Skyline, il avait continué ce qu'il aimait faire par dessus tout même si sa vie personnelle était, quant à elle, au bord de l'inexistence. Serait-ce toujours le cas demain? Tout cela restait un mystère pour Ciarán, il n'avait jamais réellement chercher à changer la donne mais était-ce par pur hasard ou bien une manière de faire honneur à son passé, pour qu'il vive encore? Après tout, ces quelques mois précédant sa mort avaient certainement laissé une trace désormais difficile à effacer. Marque au fer rouge bien incrustée et pourtant Ciarán ne semblait pas le réaliser. Camoufler, laisser une barrière entre lui et ses émotions, au fil des années, le jeune secouriste était devenu un véritable maître en la matière. Reste à savoir s'il serait capable de tenir la distance encore longtemps...
Ciarán laissa Moira s'exprimer à ce sujet. Non, la mort de l'irlandais ne l'avait pas laissé indifférente. Non, elle ne pensait pas réellement que sa disparition eut un impact positif sur sa vie. A quoi Ciarán s'était attendu? Les choses ne changent pas si facilement, pas parce qu'il le souhaitait réellement. Au final, tout cela n'avait servi à rien, sa disparition avait juste continué le cauchemar de Moira à en juger par le regard nostalgique et de détresse qu'elle lui lança. Bien évidemment, l'interrogation de Moira vint clore ce qu'il avait souhaité tout bas: que tout cela ne soit que des retrouvailles purement amicales, désormais, il était clair que ce genre de liens n'était pas possible entre eux, il ne l'avait jamais été. Un léger sourire vint s'afficher sur le visage de Ciarán, pris au piège mais pourtant, il ne voyait pas l'utilité d'un quelconque mensonge. Ils avaient vécu une histoire intense quoique courte, il n'avait plus rien vécu de pareil après cela, c'était tout...

C'est bien ce que je veux dire, Mo'. Tu me connais, je ne suis pas trop du genre rencontres. Je laisse couler et au final, je me retrouve avec quarante ans et une mort tout aussi solitaire que ma vie.. Il y a des choses qui ne changent jamais, il faut croire!

Ciarán laissa son sourire en place alors qu'il partagea un nouveau regard avec la jeune femme. La conversation était remplie de sous entendus, d'instants manqués, de choses qu'ils voulaient certainement se dire sans oser le faire. Etait-ce cela des rencontres après la mort? Les choses avaient-elles évolué à ce point. Tout portait à le croire maintenant que Mocia était mère de famille. L'irlandais sentait la difficulté pour Moira de parler de sa fille, seul son courage la faisait tenir. Qu'y avait-il de pire que de laisser un enfant derrière soir? Certainement rien. Le jeune homme n'en savait pas grand chose pourtant puisqu'il n'avait que lui à s'occuper, certainement une perte énorme mais pour le moment, cela ne le contrariait que très peu. Il laissa tomber pour le moment cet aspect de sa vie qu'il regretterait certainement plus tard pour écouter ce que Moira avait à dire concernant sa vie. Une étincelle de vie qui s'était éteinte abruptement le jour du décès de Ciarán. L'irlandais ne savait pas réellement quoi répondre, il regrettait sincèrement qu'elle n'ait pas eu la force de découvrir d'autres horizons plutôt que de s'enterrer avec cet homme qui ne lui apportait rien du tout. Son sourire s'évanouit quelque peu, on ne pouvait pas lutter contre la force des sentiments et surtout pas le regret. Il ne pouvait pas cacher cela plus longtemps. Le secouriste resta là quelques secondes à réfléchir à leur conversation avant de relever les yeux vers son ancienne amante.

Tu es loin d'être une pauvre fille... Je suppose que tu étais juste perdue. Il faut avouer que je t'ai plus perturbée qu'autre chose. C'est vrai, tu avais une vie et j'ai débarqué rendant les choses bien compliqués. J'espère que tu me pardonneras d'avoir agi de la sorte, mon intention n'était pas de te faire rêver d'autre chose avant de t'abandonner à ton triste sort...

C'était certainement la seule forme de regret que Ciarán pouvait ressentir. En aucun cas, il n'avait voulu laisser derrière lui une Moira désespérée, prête à commettre le pire pour oublier cette solitude insupportable. Tous ses soupçons se confirmèrent lorsqu'il entendit Moira dire que la vie lui avait semblé bien trop pesante et elle avait fini par plonger. Plus de retour en arrière possible, le grand saut et le Skyline comme piste d'atterrissage, voilà comment l'histoire finissait. Au final, aucun des deux protagonistes n'avait été un véritable héros malgré leur métier plus qu'honorable. Une fin peu glorieuse pour des âmes bien meurtris par les épreuves de la vie. La mort avait-elle changé quelque chose à ce problème? Il fallait croire que non. Les vieilles blessures ne demandaient qu'à se rouvrir, comme une évidence, leurs coeur appelait à l'aide quinze ans après avoir subi une extinction brutale. Ciarán se contenta de faire un geste de la main accompagné d'une expression du visage compatissante. Il ne voulait plus passé pour un héros encore moins un martyr, ce qui comptait aujourd'hui était bien sûr ces années de vie à combler de son côté mais surtout du côté de la médecin.
O'Reilly laissa entendre un léger compliment à son égard et il ne put s'empêcher de sourire devant la teinte rosé que prit ses joues. On conservait les bonnes habitudes, les sensations incontrôlables d'antan, on n'oubliait pas, on enfouissait ces instants pour mieux les revivre au moment des retrouvailles, voilà la stricte vérité. La suite, Ciarán ne l'avait pas préparé, loin de là. Sur le moment, cela lui avait semblé être la bonne solution, son instinct déjouant toutes ses craintes et appréhensions. Il le fallait tout simplement. Ce rapprochement était obligatoire, il ne pouvait pas lutter contre l'envie de sentir Moira non loin de lui. Bien évidemment, son comportement s'accompagna d'une remarque honnête qui sembla surprendre la jeune médecin. Perturbée, elle tenta une réponse qui fit sourire Ciarán, désormais bien trop proche d'elle...

Perturbée? Ca, je peux le voir Mo'... Reste à savoir pourquoi tu réagis de la sorte aujourd'hui, ça je ne le sais pas. Hum, je dirais que ce n'est pas tout à fait comme avant, si tu te rappelles bien de tout cela... De toute manière, plusieurs variables ont changé dans nos vies, les choses sont donc radicalement différentes aujourd'hui..

Un sourire alors qu'il se penchait vers elle, instaurant cette proximité dérangeante. Non, Ciarán ne savait absolument pas ce qu'il faisait, encore moins ce qu'il disait. Ce qu'il voulait restait un mystère pour lui, la seule chose qu'il retenait était ce sentiment étrange lorsqu'il était en présence de Moira, il ne pouvait l'expliquer et cela le rongeait. Il était peut être temps de le comprendre, de révéler ce mystère..

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« coming home to you »

❝ featuring Moira ❞

On s'attardait toujours à vivre dans le passé. Inconsciemment, notre cerveau ressassait tous ses souvenirs et les idéalisait lorsqu'ils étaient les plus heureux que nous avions vécu. Dans l'autre sens, il avait tendance à les rendre encore plus difficiles que la réalité. Les souvenirs s'en retrouvaient déformais, devenus de véritables mensonges qui rendaient votre vie impossible. Vivre dans le passé était la situation la plus terrible pour un être humain lambda. L'avenir n'existait plus, le présent n'était qu'enfer. La rédemption n'était qu'un rêve dont on savait qu'il était impossible de le réaliser. Après tout, on pouvait être l'Homme le plus généreux du monde, nous étions tous tout bonnement incapables de faire la part des choses: le passé se mêlait au présent pour détruire le futur. Cela faisait des années que Ciarán vivait avec ce poids sur les épaules sans s'en rendre compte. Pendant longtemps, sa mort n'avait été qu'un cauchemar parmi tant d'autres, une sorte de cauchemar dont il espérait encore se réveiller. Au contraire, ses moments avec Moira constituaient le bonheur le plus parfait qu'il ait pu vivre, l'ataraxie la plus complète sans qu'il ne puisse en être totalement satisfait. Leur histoire avait toujours le goût humour de la simple relation extra-conjugale sans lendemain. A vrai dire, sa vie entière ne ressemblait qu'à cela. Jamais, il n'avait eu l'occasion de vivre autre chose que ses relations sans conséquence directe sur sa manière de diriger sa vie. Éternellement seul avec lui-même, Ciarán restait l'homme discret et aimant qu'il avait toujours été, cachant sa faiblesse derrière ce sourire enjôleur.
Aujourd'hui ne faisait pas exception alors que Moira l'implorait de trouver chaussure à son pied. Ciarán n'en avait jamais senti le besoin, ce qu'il avait toujours voulu était bien de rendre le monde qui l'entoure plus heureux qu'il ne l'était. Peut être était rendu au tournant de sa vie, celui où il fallait absolument changer de méthode, tenter de vivre sa vie et devenir égoïste pendant au moins cinq misérables minutes. L'irlandais n'était pas certain d'en être capable mais le discours de la médecin commençait à faire son chemin jusqu'à son cerveau.

Certainement. Je ne suis pourtant pas sûr de rendre quelqu'un heureux, j'ai toujours été instable et j'attire les ennuis apparemment... Mais, je devrais certainement essayer, tu as raison.

Ciarán avait fini par se rapprocher de Moira alors que celle-ci adoptait la tactique du regard fuyant. Les choses ne changeraient peut être jamais entre eux. Dès leur première rencontre, une certaine alchimie s'était installée et jusqu'à aujourd'hui, elle ne les avait jamais quittés. Le secouriste s'en rendait bien compte désormais, bien plus que quinze ans auparavant. Il resta aux côtés de Moira, jouant de cette proximité alors qu'il la questionnait sur leur relation. Tant de questions étaient restées sans réponse alors qu'il périssait dans cette immeuble enflammée, jamais ce qu'ils avaient vécu n'avaient eu le droit au passage obligatoire de l'étiquetage. Cette étape sautée, il en restait des non-dits et des frissons qui circulaient à outrance dans le bureau de l'hématologue.
La jeune femme lui confia alors son ressenti par rapport aux quelques mois passés en la compagnie du pompier. Des phrases assez perturbantes qui ne manquaient pas de marquer l'esprit du jeune homme. Des moments de bonheur qui ne s'étaient jamais réitérés, des douleurs dû à un abandon soudain, tant de sentiments qu'elle pensait ne jamais retrouver. Le sourire du secouriste s'effaça rapidement pour laisser place à la gêne. Il n'avait jamais imaginé que ce qu'ils avaient pu partager ensemble revêtant une symbolique aussi puissante, celle d'un amour véritable de deux âmes en communion parfaite.

Perdre mon temps? Cela n'a jamais été le cas et tu le sais bien. Tu peux toujours tenter de te convaincre que tu n'es pas quelqu'un d'intéressant, je serai toujours là pour te rappeler que c'est faux... Mo', m'as tu aimé?

Ciarán n'avait pas pu contrôler son débit de paroles. Le discours de Moira sonnait étrangement comme une déclaration de quelque chose de bien plus profond que quelques moments volés dans un bureau de l'hôpital. Choqué, troublé, le secouriste ne comprenait pas comment ils étaient passé d'une histoire sans importance à un regret incommensurable d'avoir été séparé sans avoir pu mettre à plat ce qu'il se passait réellement dans leur crâne respectif.
Puis, il se rapprocha encore un peu pour faire sentir son regard noisette sur le visage de Moira. Celle-ci le laissa faire alors qu'elle avouait ressentir toujours un sentiment indétectable pour Ciarán. Surpris, il stoppa tout mouvement et écouta ces quelques mots. Il lui avait manqué, pour lui, c'était tout bonnement improbable. Après tout, il avait été celui qui l'avait séparé de sa vie de famille, il avait créé le secret et certainement qu'il avait risqué la vie de Moira avec cet homme riche. Et pourtant, qu'en restait-il aujourd'hui? Un manque, quelque chose bien loin du domaine de la raison. Ciarán ne savait pas réellement comment le gérer mais il devait certainement tenter une réponse, le silence s'éternisant et le regard de la jeune femme se plongeant dans le sien.

Mon charme? C'est bon à savoir... Puisque je suis là maintenant et toi aussi, je suppose qu'il n'y a plus aucune raison qu'on se manque, tu ne crois pas?

Son sourire espiègle s'afficha de nouveau alors qu'il était toujours aussi proche de la jeune femme. Encore une fois, le passé se mêlait à la scène, créant un émoi inqualifiable et Ciarán n'était pas certain se savoir si c'était un mal ou un bien...

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❝ featuring Moira ❞

S'il y avait bien un constat flagrant à apporter à cette entrevue pour le moins inattendu, c'était bien la force des sentiments extraordinaires qui emplissaient la pièce de leur parfum enivrant. Ciarán se doutait qu'en entrant dans cette pièce, la situation serait difficile à contrôler. Après tout, le passé laissait sa trace en vous et même si l'on pense qu'on peut le maîtriser, dans la réalité, ce simple fait n'est pas aussi simple qu'il n'y parait. Dans le cas de l'Irlandais, il ne fallait pas se voiler la face. Sa relation avec Moira avait été la plus sérieuse qu'il avait eu de toute sa vie. Etrange lorsqu'on définissait la nature de leur entente: caché et évidemment éphémère. Une grosse prise de risque pour le pompier, à cette époque, il avait eu conscience du mal qu'il causait autour de lui. Bien évidemment, il mettait en péril l'équilibre de Moira mais sans s'en rendre compte, il s'était fait encore plus de tort. Que conservait-il de ces instants aujourd'hui? Des émotions qu'il n'avait jamais imaginés gardées en lui pendant toutes ces années: de l'affection, quelque chose qu'il avait toujours nié avoir reçu. Cette femme avait changé la donne plus qu'il n'aurait pu le penser. C'était aussi parce qu'il avait conscience de ce qu'il ressentait pour Moira qu'il avait posé la question fatidique: il devait savoir si ce qu'ils avaient vécus étaient authentiques et non vains, comme il se l'était laissé penser plus de dix ans auparavant.
Un moment de gêne intense traversa la pièce. A la limite de la suffocation, Moira tenta d'esquiver une justification. C'est avec un sourire que Ciarán l'encouragea à continuer en insistant avec quelques paroles sur les raisons de son questionnement.

Non, tu n'es pas obligée de répondre mais je sais que tu vas le faire. Et tu sais pourquoi? Parce que même si aucun de nous ne l'a voulu, il s'est passé quelque chose qui dépasse la simple étiquette qu'on avait mis sur notre relation à l'époque...

Aussitôt dit, aussitôt fait. Après un autre silence pour le moins embarrassant, Ciarán laissa son sourire disparaitre devant la surprise teintée de nostalgie qui s'empara de chaque trait de son visage. L'irlandais n'avait certainement pas imaginé une réponse aussi positive à sa question. Que pouvait-il répondre à cela alors que lui, pendant un temps indéterminé, s'était évertué à se mentir sans ménagement? Car, oui, pendant ces longs mois où la maladie l'avait menacé, Ciarán n'avait nullement conscience de ce qu'il pouvait ressentir pour la femme en face de lui aujourd'hui. Il ne se considérait plus que comme un lâche désormais. Jamais, il n'avait été capable de se regarder dans un miroir pour faire le point sur ses actions. A vrai dire, il avait aujourd'hui la nette sensation d'avoir mal agi et il n'y avait rien qu'il puisse faire pour effacer cela. Le secouriste plongea son regard dans celui de Moira, sans gêne et sans peur d'affronter sa réplique.

Si tu savais à quel point je regrette... Enfin, pas ce qu'il s'est passé entre nous, cela, je pense que c'était inévitable. Comment lutter contre une attirance? Je veux dire... C'est surtout la façon dont j'ai traité notre relation. La preuve, aujourd'hui, tu as la sensation que je m'en fiche éperdument et cela n'a jamais été le cas. Je te mentirai si je te disais que j'ai pensé à toi chaque jour depuis ma mort. Je ne l'ai pas fait parce que je suis bien trop lâche pour me remettre en question, moi et mes sentiments. Je ne méritais clairement pas quelqu'un comme toi, ça c'est la seule chose évidente.

Ciarán se tut pendant quelques instants alors que la jeune femme l'invitait cordialement à quitter les lieux pour aller, soi disant, vivre sa vie comme il le devait. Mais comment le ferait-il? La vie, en cet instant, ne l'intéressait guère. Il était mort, avait raté le coche bon nombre de fois et vivrait chaque jour avec un certain regret dans l'âme. Il tenta d'imposer un nouveau sourire sur son visage pour conserver une impression de contrôle de lui même. Mission ardue alors que Moira semblait avoir l'intention de le mettre à la porte avec toujours cette sensation d'infériorité par rapport à lui.

Non, je n'ai clairement rien de mieux à faire que d'être là à te regarder et parler du passé... Parce qu'il ne me semble absolument pas révolu, quoique tu sembles penser... Mais si, je te dérange tant que cela, je peux te laisser bien sûr...

Ciarán s'écarta de suite de Moira en prenant lentement le chemin de la sortie. Il ne savait pas réellement ce qu'il faisait mais pour lui, cela semblait être la seule solution. Puisqu'elle ne semblait pas heureuse de le savoir non loin d'elle, pourquoi forcer le destin?

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